Cela fait des mois que l’Association fédérale de l’industrie aérospatiale allemande [BDLI – Bundesverband der Deutschen Luft- und Raumfahrtindustrie], dirigée par Michael Schoellhorn, le PDG d’Airbus Defence & Space, réclame à Berlin des financements pour le développement d’un nouveau standard [dit « Tranche 5 » ou « T5 »] pour l’avion de combat Eurofighter EF2000/Typhoon.

« Sans cette Tranche 5, le maintien des savoir-faire technologiques pour la prochaine génération d’avions de combat ne serait pas possible », estime en effet la BDLI. En clair, faute d’une commande, la production d’avions de combat pourrait être mise en péril, ce qui se traduirait par une perte d’emplois et de compétences ainsi que par un décrochage technologique. Et cela remettrait en cause la capacité de l’industrie aérospatiale allemande à participer au projet de Système de combat aérien du futur [SCAF].

D’ailleurs, ce projet, lancé en 2017 et auquel s’est jointe l’Espagne, donne lieu à de nouvelles tensions entre la France et l’Allemagne, en particulier sur le mode de gouvernance du pilier n°1, c’est-à-dire sur le développement de l’avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation Fighter].

En effet, Dassault Aviation estime qu’il n’a pas tous les leviers nécessaires pour tenir le rôle de maître d’œuvre qui lui a été assigné face aux filiales allemande et espagnole d’Airbus Defence & Space. Aussi plaide-t-il pour un changement de gouvernance et avoir la main sur 80 % du projet.

Ce qui n’est évidemment pas acceptable pour le gouvernement allemand, comme l’a souligné le chancelier Friedrich Merz. « Je tiens absolument à ce que nous respections les accords conclus avec la France et l’Espace au sujet du SCAF. Ce projet pourrait être intéressant pour la défense européenne. Nous avons besoin d’un tel avion. […] Des discussions sont en cours en France. Nous avons décidé de clarifier définitivement cette question dans les prochains mois. Les divergences de vues sur la composition de ce consortium ne sont pas encore résolues. Mais je suis convaincu que nous réussirons », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, le 9 juillet.

Quoi qu’il en soit, et après en avoir commandé trente-cinq exemplaires en 2022 pour permettre à la Luftwaffe de maintenir sa participation aux plans nucléaires de l’Otan, c’est de nouveau vers le F-35A de Lockheed Martin que Berlin à l’intention de se tourner. Ce qui n’est guère surprenant étant donné que, l’an passé, le ministère allemand de la Défense étudiait déjà la possibilité d’acquérir huit appareils de ce type.

En tout cas, selon des informations de Politico, il est question d’aller plus loin qu’une commande pour huit avions de plus.

« Le gouvernement allemand prévoit d’acheter quinze avions de combat F-35 supplémentaires » et de porter ainsi le format prévu de la flotte de « trente-cinq à cinquante » appareils, a révélé le site d’information, en s’appuyant sur les confidences faites par « plusieurs personnes proches du dossier ». Et d’ajouter : « Ces discussions sur un nouvel accord sur le F-35 marquent un changement notable pour Berlin, qui a publiquement défendu le SCAF comme un pilier de la souveraineté européenne ».

Cela étant, l’Allemagne n’est pas le seul pays de l’Otan à vouloir commander davantage de F-35A. Les Pays-Bas l’ont précédée sur cette voie… que la Belgique et le Danemark s’apprêtent également à emprunter.

Au niveau industriel, une nouvelle commande de Berlin pourrait faire les affaires de Rheinmetall, qui s’est associé à Lockheed Martin et à Northrop Grumman pour produire au moins 400 sections centrale de fuselage de F-35 dans son usine de Weeze [Rhénanie-du-Nord-Westphalie]… Mais pas celles d’Airbus Defence & Space.

« Si on utilise la hausse des dépenses de défense pour continuer à acheter des produits standards aux États-Unis, nous renforçons notre dépendance vis-à-vis des autres pays » et « l’Allemagne, en particulier, doit prendre conscience que l’Europe est menacée et trop faible économiquement et militairement dans cette nouvelle ère de l’histoire », avait d’ores et déjà prévenu Michael Schoellhorn, dans les pages du quotidien « Augsburger Allgemeine », le 7 mars.