FIGAROVOX/TRIBUNE – La 31e édition de ce salon, qui s’est tenue fin juin dans les salons de la mairie de Paris, n’a pas même fait le début d’une allusion à l’écrivain embastillé dans les geôles algériennes, expliquent plusieurs membres du comité de soutien à Boualem Sansal.
Il faut croire qu’au salon « Le Maghreb des livres », organisé par l’association Coup de soleil avec le soutien actif de la Ville de Paris, la mémoire est courte, et la liberté optionnelle. En 2022, Boualem Sansal était l’écrivain phare de cette manifestation. Il brillait, les autres gravitaient. On se pressait pour le saluer, se faire prendre en photo avec lui, profiter de son aura. En 2024, l’homme est embastillé à Alger par une dictature fébrile qui étouffe les voix libres, et voilà que son nom disparaît purement et simplement du programme 2025.
Rien. Pas une table ronde. Pas une mention. Pas même un mot. Le silence comme complicité. Pourtant, en France comme à l’étranger, Boualem Sansal est honoré. Son nom est brandi, ses portraits affichés sur les façades de nombreuses mairies, y compris à Paris. Il est soutenu par un comité de soutien international actif, célébré à Montréal, à Prague, à Berlin, et bien sûr en France. Il est la figure vivante de la résistance intellectuelle au despotisme.
Couronné depuis son arrestation par le prix SGDL pour les libertés d’expression et de création, honoré du prix Jiří Theiner pour la liberté de parole, et consacré par le prestigieux Prix mondial Cino-Del-Duca, Boualem Sansal incarne, à lui seul, la dignité des écrivains debout face à la censure et à la peur.
À ce niveau de déni, ce n’est plus de l’indifférence, c’est une faute morale. Il faut oser le dire clairement : ce silence est un abandon
Et pendant ce temps, à l’Hôtel de Ville de Paris, les 28 et 29 juin, dans les salons bourgeois où l’on prétend célébrer la littérature maghrébine et spécialement la littérature algérienne, on fait comme s’il n’existait plus. Pis encore : deux membres éminents du Comité de soutien à Sansal, Kamel Bencheikh et Xavier Driencourt – tous deux écrivains, intellectuels, invités des médias, auteurs d’une actualité littéraire brûlante – sont, eux aussi, omis soigneusement de la programmation.
Un oubli ? Trois fois ? Ou bien un choix délibéré ? La question a été posée. Une demande d’explication a été adressée le 17 juin au responsable de Coup de soleil. Réponse ? Aucune. Silence radio. C’est une chose de ne pas soutenir Boualem Sansal. C’en est une autre de l’effacer. À ce niveau de déni, ce n’est plus de l’indifférence, c’est une faute morale. Il faut oser le dire clairement : ce silence est un abandon.
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Un salon qui célèbre la culture du Maghreb mais raye le nom de son plus grand écrivain vivant – en prison pour ses idées – ne célèbre rien d’autre que la peur et la servilité. Nous ne nous tairons pas. À défaut de courage, nous exigeons au moins de la cohérence. Le silence, quand il s’agit de la liberté, est une tache indélébile sur toutes les affiches.
Liste des signataires :
Georges-Marc Benamou, journaliste et producteur.
Kamel Bencheikh, poète et écrivain
Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Xavier Driencourt, ancien ambassadeur en Algérie
Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes, avocate.
Stéphane Rozès, politologue et essayiste