Pour Bernie Ecclestone, la chute de Christian Horner chez Red Bull s’explique avant tout par la volonté du manager britannique de toujours concentrer entre ses mains le maximum de pouvoir dans un environnement qui devenait de plus en plus hostile.

Ami de longue date du désormais ex-patron de Red Bull, Ecclestone l’a longtemps côtoyé professionnellement quand il était le directeur général du Formula One Group jusqu’en 2017. En dépit de leurs liens et d’une discussion entre eux qui s’est tenue le 7 juillet dernier, deux jours avant l’annonce officielle de la fin du mandat de Horner, la nouvelle a également surpris celui qui fut longtemps le « grand argentier » de la F1.

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« À mon avis, ce doit être quelque chose de très grave », avait-il dans un premier temps réagi, interrogé par RacingNew365 dès ce mercredi. « Je lui ai parlé la veille [lundi] et il n’était pas au courant. Il le savait peut-être, mais il ne me l’a pas dit. C’était une conversation normale. Nous parlions de Max [Verstappen]. Rien à voir avec ça, sinon il me l’aurait dit. »

« Tout ce que je sais, c’est le message que le monde entier a reçu, à savoir qu’il a été licencié avec effet immédiat. C’est l’effet immédiat que je ne comprends pas. Pourquoi lui demanderaient-ils de partir avec effet immédiat ? C’est comme s’il avait assassiné quelqu’un. »

« On peut comprendre que, si l’on doit licencier quelqu’un, il y ait une discussion préalable et que l’on en vienne à quelque chose comme ‘Nous sommes d’accord pour nous séparer’, ou un truc du genre. Mais pour dire ‘Tu es licencié avec effet immédiat’, il a dû faire quelque chose d’un peu radical. Admettons qu’ils soient mécontents des résultats, ce que je peux comprendre, c’est une chose, mais qu’il soit licencié immédiatement, c’est une toute autre chose. »

Horner s’est conduit « comme un idiot »
Christian Horner, Red Bull Racing

Christian Horner, Red Bull Racing

Photo de: Red Bull Content Pool

Les 18 derniers mois du règne de Christian Horner chez Red Bull, entamé en 2005 au moment où l’écurie est arrivée en Formule 1, ont été marqués par plusieurs épisodes de turbulences. Le premier d’entre eux, qui a en fait servi de révélateur à une situation interne bien plus complexe qu’il n’y paraissait à l’époque, fut évidemment celui des accusations de comportement inapproprié envers une employée.

Une situation finalement contenue par plusieurs enquêtes internes qui ont blanchi Horner, mais qui fait dire à Ecclestone que son ami n’a pas mesuré toutes les conséquences de son comportement. « Cette autre affaire dans laquelle il s’est retrouvé impliqué il y a 18 mois, il s’est tout simplement conduit comme un idiot », a-t-il lancé dans un entretien pour The Telegraph. « C’est un homme de 50 ans qui s’est comporté comme s’il en avait 20, qui se prenait pour un jeune. »

Tant que vous êtes performant, les gens ferment les yeux. Mais dès que vous cessez de l’être, les gens commencent à regarder de près.

Au-delà de cette « affaire Horner » qui l’a indubitablement fragilisé, Ecclestone estime que Horner a sans doute surtout payé son omnipotence au sein de la branche F1 de Red Bull : « Il aurait probablement mieux valu qu’ils disent ‘Allez, Christian, calme-toi’. Mais le fait est qu’il y a des gens là-bas qui pensaient qu’il s’en tirait à bon compte, qu’il agissait comme si ce n’était pas le Red Bull Ring, mais le ‘Christian Horner Ring’. Il y a tellement de fois où il s’en est bien sorti. Et tant que vous êtes performant, les gens ferment les yeux. Mais dès que vous cessez de l’être, les gens commencent à regarder de près. Une ou deux personnes commencent à penser : ‘Eh bien, je pourrais faire mieux’. »

Au moment où l’affaire Horner a éclaté, l’écurie Red Bull sortait d’une saison éclatante sur le plan sportif et s’apprêtait à dominer le début de saison 2024. Mais en interne, il a rapidement été clair qu’il y avait, sur la façon dont les choses étaient gérées, à la fois un déchirement entre les clans thaïlandais et autrichien – ce dernier souhaitant reprendre plus de contrôle sur la gestion de l’écurie – et entre tout ou partie du clan Verstappen – dont le père du pilote, Jos, particulièrement véhément – et Horner.

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« Honnêtement, c’était un peu confus », constate Ecclestone. « Christian était le directeur général. Si je suis le directeur général d’une entreprise, je veux être aux commandes. Je veux faire tout ce que je pense être juste, et si je me trompe, on peut me licencier, on peut me dire ‘Désolé, au revoir, tu as commis des erreurs’. Donc, dès que Christian n’était plus en position de faire ce qu’il pensait devoir faire, cela devenait difficile pour lui. On ne peut pas gérer quelque chose à moitié. Il faut quelqu’un, je le dis toujours, pour allumer et éteindre la lumière. Tout ce qu’il faut, c’est une seule personne. »

Ecclestone juge que la volonté de Horner se s’accrocher à ce fonctionnement a été un catalyseur dans sa chute : « Je sais qu’on lui a suggéré d’être simplement directeur d’équipe et de laisser le côté commercial à quelqu’un d’autre. Mais sa vision était ‘Je suis le directeur général’. »

L’importance du décès de Mateschitz
Christian Horner et Dietrich Mateschitz en 2017.

Christian Horner et Dietrich Mateschitz en 2017.

Photo de: Sutton Images

Le point de départ de cette situation d’instabilité remonte sans doute à la fin de saison 2022 quand Dietrich Mateschitz, cofondateur de Red Bull et qui était à la barre côté F1, est décédé. Si, sur le plan sportif, l’écurie était en pleine phase de domination – elle venait de remporter le titre pilotes et allait glaner celui des constructeurs avant d’écraser la campagne 2023 -, ce qui a temporairement protégé Horner, Ecclestone pense que la présence de Mateschitz aurait profondément changé la donne : « Quand le vrai patron était en vie, il aurait senti qu’il y avait des problèmes au sein du groupe. Il se serait dit : ‘Je ferais mieux de m’impliquer, de voir ce qui se passe et de rectifier le tir’. »

Sous la direction de Horner, Red Bull Racing est passée d’une écurie de milieu/fond de tableau à une structure de pointe de la discipline. Elle a remporté un total de 14 titres mondiaux (huit chez les pilotes, six chez les constructeurs) ainsi que 124 victoires en 405 Grands Prix. « Bon sang, qui d’autre a accompli ce qu’il a accompli en Formule 1 ? Juste en termes de résultats ? », interroge Ecclestone.

« Il y a très peu de cadres capables de tout faire, de l’ingénierie aux relations publiques. Il dirigeait l’entreprise comme il pensait qu’elle devait être dirigée. Pendant longtemps, les gens étaient disposés à dire ‘D’accord, très bien, il fait le job’. Mais dès que vous faites un faux pas, les gens vous regardent et se disent ‘Attends un peu’. Christian a remporté de nombreux championnats. Il était habitué à gagner. Ce n’est donc pas facile quand vous ne gagnez pas, surtout quand vous savez que ce n’est pas entièrement de votre faute », conclut le Britannique de 94 ans.

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