Né dans une ville nichée dans les collines du Cameroun, à Tignère, le docteur Abdoullahi Aboubakar n’a jamais oublié d’où il vient. De son enfance, il garde l’image d’un lieu reculé, « avec seulement une voiture qui arrivait le mardi pour le courrier, raconte-t-il. La résultante, c’était une solidarité comme on n’en voit quasiment nulle part ailleurs. »
Aujourd’hui installé en France, il est devenu cardiologue. À ceux qui s’interrogent sur les clés de son parcours, il répond avec humilité: « La chance ». Une veine incarnée par une bourse gouvernementale qui, au moment de son baccalauréat, visait à « ouvrir le pays » en envoyant des étudiants camerounais poursuivre leurs études à l’étranger. « Cette offre n’a duré que sept ans. J’ai eu la fenêtre de tir. »
Mais une fois ses diplômes en poche, le retour au pays s’avère impossible pour Abdoullahi. Le Cameroun entame alors une restructuration économique avec l’aval du FMI, et les embauches sont gelées. « Je me suis donc établi ici, en France, où j’ai construit ma vie. »
Un nouveau puits a été creusé
Engagé dans plusieurs missions humanitaires, notamment au Sénégal, il a parfois laissé son cabinet le temps de soigner des enfants atteints de malformations cardiaques. L’idée a fait plus germe peu à peu. « J’ai fini par me dire qu’il fallait aider là où personne ne va, là où c’est le plus difficile d’accès: chez moi. » Il y a plus de dix ans, il fonde une association: Bati-Bati. Avec l’aide de ses adhérents, il a fait construire sur place un centre culturel, plusieurs salles de classe, et a même mené à bien des projets d’adduction d’eau potable.
À chaque rentrée scolaire, des livres sont achetés: en septembre dernier, 1.271 manuels ont été distribués. Aujourd’hui, 85 enfants sont parrainés, de l’école primaire au lycée. Mais le besoin est grand: l’association manque de parrains pour les collégiens et les lycéens. L’action de l’association dépasse la seule scolarité. L’été, des stages sont proposés pour renforcer les compétences des élèves: langues, informatique, premiers secours…
Cette année, un puits supplémentaire a été creusé pour améliorer l’accès à l’eau. Le médecin se rend sur place au moins une fois par an. Il témoigne: « Les enfants ne demandent rien. Mais avec le temps, ils comprennent la chance qu’ils ont. Ce sont les parents qui sont le plus bouleversés. »
La sélection des bénéficiaires est assurée localement, par des personnes de confiance. La majorité des enfants aidés viennent de familles monoparentales ou endeuillées. Depuis le lancement du programme, certains enfants ont obtenu leur baccalauréat et entamé des études supérieures. « Ils sont devenus le flambeau de l’association », sourit le médecin.
Pour parrainer un enfant, il suffit de devenir membre de l’association (cotisation annuelle de 15 euros), puis d’y ajouter 120 euros par an pour un enfant en primaire, ou 180 euros pour un lycéen. Les parrains reçoivent des nouvelles, parfois des bulletins scolaires.
Parrainage et infos: 06.51.51.23.38 ou association.batibati@gmail.com.
L’aide du Rotary
Le Rotary Club de Six-Fours a promis de fournir 80 tours informatiques à l’association Bati-Bati. Reconditionnées, elles équiperont la médiathèque de Tignère pour initier les habitants à l’informatique. Une demande a également été déposée pour que ces cours débouchent à terme sur une formation officiellement reconnue par l’État camerounais, un possible tremplin vers de nouvelles opportunités pour les habitants.