Au Sénat, la fin de la session du jeudi 10 juillet a été chaotique. Et les débats se sont ouverts, ce vendredi, dans le même atmosphère. Car la réforme débattue, celle de l’audiovisuel public, cristallise les tensions

Portée par la ministre de la Culture Rachida Dati, cette réforme, adoptée par 194 voix contre 113, a pour objectif la création de la holding France Médias, dès le 1er janvier 2026, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France et l’Ina (Institut national de l’audiovisuel), sous l’autorité d’un président-directeur général. Le texte devrait désormais revenir à l’automne à l’Assemblée, à une date indéterminée.

Mais le texte est loin de faire l’unanimité : les syndicats, vents debout, peuvent compter sur la gauche, qui joue la montre, alors que la session extraordinaire doit, théoriquement, s’achever ce vendredi à minuit. Suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille… En plus de huit heures de débats, jeudi, les sénateurs ont à peine démarré l’examen de l’article premier de la proposition de loi du sénateur Laurent Lafon.

Risque de réduction du débat parlementaire

Pour éviter l’échec et faire passer la réforme avant les congés parlementaires, Rachida Dati a décidé de dégainer l’arme constitutionnelle du « vote bloqué ». Cette procédure, prévue par l’article 44.3 mais très rarement utilisée, permet d’accélérer les débats. 

Le gouvernement peut ainsi, à tout moment de la discussion parlementaire, « demander un vote sur l’ensemble ou sur une partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements que le gouvernement a proposés ou acceptés« , explique le site spécialisé Vie Publique. Les amendements qui ne sont pas retenus sont donc supprimés du texte soumis au vote.

« En revanche, la procédure du “vote bloqué” ne porte que sur le vote. Elle ne met pas fin à la discussion sur  le texte et sur les amendements non retenus par le gouvernement », assure Vie Publique.

Si le recours au « vote bloqué » peut être un moyen d’accélérer un débat qui s’enlise ou de surmonter une obstruction, « il peut aussi réduire fortement la portée du débat parlementaire« , poursuit Vie Publique, qui donne alors un exemple : « un amendement pourtant adopté à l’unanimité par une assemblée peut disparaître du texte en discussion par le biais du vote bloqué ».

Un retour à l’Assemblée en octobre

« Après plus de sept heures de débat, nous n’avons pu débattre que de 31 amendements sur ce texte. On a vu encore ce [vendredi] matin […] de l’obstruction, toujours de l’obstruction et encore de l’obstruction », a justifié Rachida Dati. En milieu de matinée, il restait alors environ 300 amendements à débattre.

Le recours au « vote bloqué » n’a pas plu à l’opposition qui a dénoncé un « coup de force », selon le mot de l’ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol. « On parle de liberté de la presse. Mais commençons déjà par respecter les droits du Parlement« , a-t-elle tonné, rappelant que le Sénat avait d’autres outils à sa disposition pour discipliner les discussions.

« C’est vous qui êtes responsables du fait que le débat ne peut pas avoir lieu. Ce n’est pas nous », leur a rétorqué le rapporteur du texte, Cédric Vial (LR). 

Le président de la commission de la culture Laurent Lafon (UDI) a lui aussi défendu la décision du gouvernement, pointant une obstruction « caractérisée » destinée à « empêcher que le Sénat confirme son soutien » au texte.

Selon des sources parlementaires, la décision de déclencher le « vote bloqué » était sur la table depuis jeudi. Mais, alors que le président du Sénat et le ministre des Relations avec le Parlement étaient enclins à laisser le débat se dérouler, « c’est bien Rachida Dati », en première ligne face à la gauche, qui « à un moment donné […] a tranché pour tout le monde », selon un poids lourd.

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