Après la signature, en novembre 2010, du traité de Lancaster House, la France et le Royaume-Uni ont créé une force expéditionnaire conjointe interarmées [CJEF – Combined Joint Expeditionary Force] qui, forte de 10 000 militaires, doit être en mesure de mener des opérations à terre, en mer et dans les airs, que ce soit au niveau bilatéral ou au sein d’une coalition internationale. La validation de son concept final [FVOC – Full Validation of Concept] a été prononcée en 2016, au terme de l’exercice Griffin Strike 16.
Le 10 juillet, lors d’une conférence de presse donnée au côté de Keir Starmer, le Premier ministre britannique, à Northwood, à l’occasion de sa visite d’État au Royaume-Uni, le président Macron a annoncé que cette CJEF allait prendre du volume.
« Au plan opérationnel, nous avons décidé de changer complètement d’échelle. La force conjointe, dite CJEF […], est la base de coopérations structurantes. Nous faisons passer cette force conjointe du niveau d’une brigade à celui d’un corps d’armée, c’est-à-dire pouvant aller jusqu’à 50 000 hommes, capables d’être employés dans un engagement majeur, ce qui représente une multiplication par cinq, avec la France et le Royaume-Uni en noyau dur capable d’agréger d’autres partenaires européens et d’être mis à la disposition de l’Alliance », a déclaré M. Macron.
Et d’ajouter : « Notre partenariat [avec le Royaume-Uni] donne une crédibilité et une robustesse à ce pilier européen de l’Otan sur le plan opérationnel et crédibilise aussi l’autonomie stratégique dans laquelle nous croyons ».
La CJEF étant d’essence interarmées, la référence à un « corps d’armée », qui réunit plusieurs divisions d’une force terrestre, aurait mérité une explication. Celle-ci a été donnée par la partie britannique, qui a publié le texte de la déclaration relative à la « modernisation » de la coopération entre la France et le Royaume-Uni en matière de défense.
Ainsi, il est effectivement question d’augmenter « significativement » la capacité déclarée de la Force interarmées conjointe [CJF], en allant jusqu’à quintupler son format, afin de « garantir la capacité de planification et de commandement » d’un corps d’armée susceptible de « fournir la composante terrestre d’une force interarmées plus large combinant toutes les fonctions militaires », que ce soit « dans le cadre de l’Otan ou au niveau bilatéral ».
Avec le Royaume-Uni, nous avons pris des décisions fondamentales pour notre défense. pic.twitter.com/OUFkPyRarZ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 10, 2025
Ce renforcement devrait donc concerner avant tout l’armée de Terre, dont la force opérationnelle terrestre compte 77 000 soldats, et la British Army, dont le format a été réduit à environ 73 500 hommes au cours de ces dernières années.
En outre, si la CJEF pouvait être mobilisée pour des opérations décidées par l’Union européenne [UE] ou les Nations unies, cette CJF devrait se concentrer uniquement sur les missions relevant de l’Otan.
« La CJF facilitera le déploiement d’une force pleinement interopérable avec l’Otan » et sera « disponible en tant que réserve stratégique de l’Alliance », est-il en effet avancé dans cette déclaration.
Cela étant, cette CJF pourrait aussi constituer le « socle » d’une force susceptible d’être déployée en Ukraine sous l’égide de la « coalition des volontaires » dès qu’un accord de cessez-le-feu sera trouvé entre Kiev et Moscou.
D’ailleurs, selon la présidence française, la CJF joue déjà un rôle « important dans l’organisation de la Coalition des volontaires », qui, pour rappel, fédère une trentaine de pays. Elle pourrait ainsi servir de « noyau de planification des forces de réassurance qui pourraient être déployées en Ukraine dans le cadre du cessez-le-feu lorsqu’il y en aura un », a-t-elle expliqué.
Le même jour, réunie à Rome à l’invitation de Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, la Coalition des volontaires pour l’Ukraine a « salué l’élaboration de plans opérationnels solides pour déployer une force de réassurance – la ‘Force multinationale pour l’Ukraine’ – une fois les hostilités terminées, pour aider à sécuriser les mers et le ciel ukrainiens et régénérer les forces armées du pays ».
Enfin, elle s’est aussi félicitée de « la mise en place d’un état-major général opérationnel dirigé par le Royaume-Uni et la France pour soutenir les activités de planification, des engagements pris par les partenaires pour contribuer à cette force, ainsi que de la volonté de l’Ukraine de solliciter le déploiement de cette force et de conclure des accords formels avec les pays participants, le cas échéant ».