De la prise de vue au tirage et à l’encadrement de l’image photographique, Stephen Dock maîtrise tout. Une manière pour le Mulhousien qui vit aujourd’hui à Cambrai (Nord), de rester indépendant. Autodidacte, free-lance, membre de l’agence VU de 2012 à 2015, le photographe se donne aujourd’hui, les moyens d’une liberté.

« La mémoire atterrit sur les murs »

S’il a commencé sa carrière comme reporter de guerre à l’âge de 20 ans, Stephen Dock poursuit depuis 2012, un travail documentaire engagé autour des vestiges de l’industrie. Un projet qui l’a mené en Ulster, Irlande du Nord, en Alsace, Lorraine, en passant par Glasgow. « C’est la même faille de charbon qui traverse la France, la Belgique, l’Allemagne et passe sous la Manche, indique-t-il. Cette histoire capitaliste de l’industrialisation ne connaît pas de frontières, elle façonne un territoire, une culture et ses habitants. »

En grandissant à Mulhouse, le photographe se sent en familiarité avec ces portes d’usine fermées, les hauts-fourneaux éteints, les vestiges industriels. Après une exposition monographique présentée à Arles l’an dernier, ce nouvel opus “Le silence d’acier” s’affiche sur les murs de la galerie strasbourgeoise La Chambre. Résultat d’une résidence que cette dernière lui a proposé en 2023, dans le Grand Est.

Ce corpus d’images s’articule autour de trois parties. Les fragments de paysages voisinent avec des postures de corps. Ceux-ci pliés voire cassés par le travail laborieux, surgissent tels des totems.

Stephen Dock emprunte l’expression à Cocteau, “la gomme de l’habitude” afin de regarder et non plus voir les murs, les façades, les motifs d’anciennes usines à Hayange ou à Oignies. « La mémoire de la guerre comme de l’industrialisation atterrit sur les murs », remarque-t-il.

Historienne de la photographie et commissaire de l’exposition, Raphaële Bertho souligne les résonances esthétiques et politiques du “Silence d’acier” – qui retentit des franges périphériques.

Dans l’ultime partie plus immersive, on chemine dans un noir charbonneux et des nuances de gris, ponctués de lueurs sourdes ou incandescentes – comme une mémoire persistante. Ces images métaphorisent la mine. Elles voisinent avec l’archive de Charles Bueb. Le mineur a filmé ses collègues de l’ancienne mine de potasse d’Alsace, le Carreau Rodolphe. Stephen Dock a aussi tiré du passé, la figure d’une femme : il s’agit d’images représentant Sainte-Barbe, la protectrice des mineurs.

La Chambre, place d’Austerlitz à Strasbourg, exposition à voir jusqu’au 7 septembre, du mercredi au dimanche de 14 h à 19 h, fermeture estivale du 4 au 24 août. Entrée libre. www.la-chambre.org