Mains dans les poches et large sourire, Anne Hidalgo ne cache pas son plaisir. Samedi 5 juillet au petit matin, la maire de Paris est venue assister avec la ministre des Sports, Marie Barsacq, à la mise en œuvre d’une vieille promesse : rendre possible la baignade dans la Seine. «C’est trop top», lance-t-elle, alors que les premiers Parisiens nagent déjà dans le fleuve. D’ailleurs, elle compte bien en faire de même régulièrement «avant d’aller au travail», dit-elle. Devant les caméras des chaînes infos arrivées tôt sur place pour couvrir l’inauguration du secteur «bras Marie», la socialiste se satisfait de la température de l’eau «hyper bonne» et de sa couleur claire. «Regardez on voit les pieds des nageurs», poursuit-elle avant de se rendre sur les autres spots de baignade. L’élue PS sera ainsi sur le terrain une bonne partie de la journée.
Quatre jours plus tard, revoilà la maire. Cette fois à l’arrêt Arts et métiers pour présider l’inauguration de la piste cyclable Paul Varry, ce cycliste tué il y a un an par un automobiliste. «De toute façon, moi, je suis comme ça, quand je fais quelque chose, je fais les choses à fond, je n’arrive pas à m’arrêter. En ce moment on n’arrête pas», claironne-t-elle devant Libé le lendemain, avant de médailler Fousseynou Cissé, citoyen héroïque qui a sauvé six personnes des flammes, le 4 juillet, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Une précision un brin surjouée pour couper court à toute rumeur de fin de règne crépusculaire ?
Il y a dix jours, la maire de Paris a subi un revers qui entache quelque peu la fin de son second et dernier mandat à la tête de la capitale. Emmanuel Grégoire, son ancien premier adjoint avec qui les relations sont totalement brouillées a remporté la primaire pour représenter le PS aux municipales de 2026. Qui plus est dès le premier tour. Une défaite, donc, pour Rémi Féraud qu’elle avait désigné comme son successeur. Mais aussi une défaite pour elle tant l’édile s’est investie dans la campagne interne pour convaincre les socialistes parisiens de choisir son poulain. Elle était là en novembre dernier pour lui remettre son écharpe porte-bonheur au moment du lancement de sa campagne dans le XXe arrondissement. Pendant des mois, elle a vanté la «loyauté» et la «solidité» du sénateur avant de mettre les bouchées doubles dans la dernière ligne droite. Comme ce soir d’assemblée générale de la fédération, à cinq jours du vote, où elle a longuement discouru pour faire valoir les mérites de son candidat et égratigner son rival sans jamais le citer. «Elle a même reçu des militants en personne pour leur dire qu’il fallait voter Féraud», raconte un socialiste parisien. «Ça fait partie de la vie politique. Tout le monde connaît des victoires et des revers. La victoire de Grégoire en est évidemment un», concède son entourage.
Pour la droite parisienne, jamais en retard d’un tacle, cette défaite est révélateur de l’isolement d’une maire qui n’est dorénavant plus prophète en son pays. «A part Rémi Féraud et Patrick Bloche [son premier adjoint, ndlr] on a l’impression qu’elle est en défiance avec tout le monde. Elle aurait pu valoriser le fait d’avoir fait deux mandats qui se terminent par les JO, mais elle est en réalité dans l’amertume et d’une aigreur assez stupéfiante», persifle l’élue LR Nelly Garnier, proche parmi les proches de Rachida Dati. Rien de très surprenant venant de l’opposition. Mais à gauche aussi, on décrit une élue fragilisée par la victoire de Grégoire. «Dans les faits, elle est carrément affaiblie, affirme un adjoint. Normalement, quand un sortant désigne un dauphin, tout le monde suit. Là, son autorité n’aura pas suffi.» «Quand tu quittes tes fonctions, il vaut mieux le faire avec panache. Elle n’aurait donc pas dû se mêler des affaires internes du PS», abonde un autre.
Quoi qu’il en soit, le cercle proche d’Anne Hidalgo martèle que la maire de Paris restera concentrée sur sa tâche jusqu’à la fin de son mandat, en mars 2026. «Elle n’est pas du tout dans un état d’esprit à rester enfermée dans sa chambre les volets fermés», atteste un proche. «La maire est quelqu’un qui a continuellement des idées et qui va continuer à mettre en œuvre ses projets jusqu’au dernier jour», explique aussi son fidèle premier adjoint, Patrick Bloche, rappelant qu’il reste trois Conseils de Paris jusqu’aux municipales, dont celui visant à voter le budget de la ville en décembre prochain. «C’est l’acte politique le plus fort», ajoute-t-il.
«Elle est encore pleinement engagée. Nous avons inauguré ensemble la nouvelle Direction de la santé, le 30 juin dernier», confirme l’adjointe écologiste à la Santé, Anne-Claire Boux. Des propos qui visent aussi à démentir l’idée, véhiculée par la droite, qu’Anne Hidalgo délaisserait la capitale pour multiplier les déplacements à l’étranger en vue de sa potentielle reconversion à la tête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. «C’est absurde, la campagne [pour le HCR] n’a pas encore commencé puis tout maire de Paris, quel qu’il soit, est forcément amené à voyager. C’est un mandat qui comporte une dimension diplomatique», rappelle Patrick Bloche. Selon le Monde, la socialiste s’est déplacée à douze reprises à l’étranger depuis le début de l’année 2025. D’après nos informations, au moins deux autres voyages sont prévus d’ici la fin de l’année. A New-York en septembre pour la Climate week puis à Belem au Brésil en novembre pour la COP30.
Mais d’ici la fin de son mandat, une autre question, plus pragmatique, taraude la gauche parisienne : que fera Anne Hidalgo vis-à-vis d’Emmanuel Grégoire ? Car durant la campagne interne de la primaire PS, l’édile avait affirmé, à propos de son ancien bras droit, qu’elle «ne pourrait pas soutenir quelqu’un qui, ces deux dernières années, a passé son temps à [lui] tirer le tapis sous le pied.» Pour Hidalgo, rester ferme sur cette position risquerait d’écorner son image et de la faire passer pour une mauvaise perdante. Sans certifier qu’elle pourrait finalement envoyer un signal clair en faveur du candidat socialiste, ses proches affirment qu’elle ne fera rien pour lui barrer la route. «Anne Hidalgo veut que Paris reste à gauche, elle fera tout pour cela», jure Bloche. Certains, dans les couloirs de l’hôtel de ville, l’imaginent pourtant déjà œuvrer pour que l’éventuel rassemblement de la gauche dès le premier tour se fasse derrière l’écologiste David Belliard ou le communiste Ian Brossat, plutôt que Grégoire.