Le temps des polémiques est révolu. Ce temps, où, dans la foulée de l’annonce du projet de Safran de construire une usine de pièces de moteurs d’avions au sud de Rennes, les élus EE-LV de la Métropole montent au créneau pour déplorer l’implantation d’une activité loin d’être « verte » à leurs yeux et critiquer, au passage, une décision prise sans les consulter par leur alliée, la socialiste Nathalie Appéré, présidente de la Métropole et maire de Rennes. Nous sommes fin février 2024.
Au bout de quelques semaines, la crise finit par se tasser dans la majorité. Pas chez Safran. Auditionné à l’Assemblée nationale en avril 2024, le directeur général du groupe d’aéronautique, Olivier Andriés, dit toute sa déception d’avoir été accueilli à coups de « jets de tomates » par les écologistes rennais, alors que les discussions avec Nathalie Appéré se sont bien passées. Il lance alors : « Pour moi, il n’est plus question, aujourd’hui, d’investir, en France, dans une ville qui est détenue par une majorité écologiste ».
Safran va plus loin que prévu
Trois mois plus tard, la sortie du patron de l’une des plus grosses capitalisations du CAC40 est encore dans les têtes, mais pas dans les discours. Désormais, le temps est aux accolades et à l’unité. Réunis au sein du pôle de la Janais, vendredi 11 juillet, pour la cérémonie très officielle de pose de la première pierre de la future usine, les différents protagonistes du dossier ont soigneusement évité de revenir sur les tensions passées.
Les élus, représentants de Safran et du constructeur rennais Legendre, réunis lors de la cérémonie de pose de la première pierre, vendredi 11 juillet. (Photo Le Télégramme/Guillaume Bietry)
Interrogé sur le sujet, le président de la filiale Safran Aircraft Engines, Stéphane Cueille, n’a pas souhaité faire de commentaires, mais a assuré que le groupe se sentait « bien accueilli à Rennes ». « Nous sommes dans un bon sillon », a estimé le dirigeant, qui souligne qu’en plus de produire des pièces de moteurs d’avions, Safran a choisi d’implanter sur son site une activité de réparation de pièces et de relever ses perspectives de créations d’emplois de 200 à 500 d’ici 2030. « Cela prouve bien notre confiance dans les capacités d’accueil de ce territoire. »
Un projet « comme il en arrive tous les 20 ans »
Côté élus, là aussi, pas de mention de l’imbroglio passé, mais de belles déclarations à l’intention de Safran, dont l’installation est l’un des symboles de la revitalisation des anciens terrains du constructeur automobile Stellantis à la Janais. « C’est un moment qui fera date dans l’histoire économique du territoire rennais », a déclaré une Nathalie Appéré « sincèrement ravie » d’accueillir un projet « comme il en arrive tous les 20 ans ».
Également présents, Philippe Bonnin, le maire de Chartres-de-Bretagne (commune dont dépendra le futur site), et Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne, ont eux aussi applaudi le choix de Safran. «Nous devons croire en notre industrie. C’est la condition de notre liberté, c’est la condition de notre démocratie, c’est la condition de la capacité que nous avons de proposer à nos concitoyens un avenir», a martelé le président du conseil régional, quelques minutes avant que le préfet de Région, Amaury de Saint-Quentin, évoque «un changement d’époque ». « Après une longue phase de décroissance, la réindustrialisation de la France est amorcée.»
Lors de la cérémonie de pose de la première pierre, vendredi 11 juillet. (Photo Le Télégramme/Guillaume Bietry)Fin du débat
Mais dans la métropole rennaise, cette réindustrialisation ne se fait pas à tout prix. « Avec vous [Safran, NDLR], nous inventons une industrie demain. Une industrie sobre, créatrice d‘emplois, a souligné Nathalie Appéré. Safran est clairement engagé dans la décarbonation des produits comme des process, sans renoncer aux exigences qui sont liées à la souveraineté. » Et l’édile de lancer, comme pour balayer l’épisode avec les élus écologistes et clore le débat, à l’approche des municipales de 2026 : « Soyez assurés de pouvoir, à chaque instant, compter sur la Métropole, sur l’engagement de ses élus et sur l’expertise de ses services, pour vous accompagner au mieux et créer les conditions d’un ancrage solide et pérenne sur notre territoire ».