Voilà un autre genre de conclave, dont l’issue s’est cette fois révélée favorable. Réunis en périphérie parisienne, dans la ville de Bougival (Yvelines), depuis le 2 juillet à l’initiative d’Emmanuel Macron, les responsables calédoniens ont paraphé ce samedi 12 juillet au petit matin une promesse de signer un accord qualifié d’«historique», avec notamment un «Etat de Nouvelle-Calédonie» inscrit dans la Constitution.

Ce qui est encore un «projet d’accord» doit ensuite être entériné en Nouvelle-Calédonie par les mandataires des différentes délégations. Il a été validé par Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, et les 18 délégués représentant les forces politiques du Congrès de Nouvelle-Calédonie.

Le document de 13 pages porte avant tout sur des questions institutionnelles, mais comporte aussi un volet économique. Libé fait le point sur ce que contient ce texte, ainsi que les réactions qu’il suscite.

Le projet prévoit plusieurs étapes jusqu’aux élections provinciales, reportées à mai juin 2026, dont l’adoption à l’automne du projet de loi constitutionnelle par le parlement réuni en Congrès à Versailles.

Dès février 2026, le projet sera soumis au vote des Calédoniens. En mars ou avril, une loi organique spéciale doit être adoptée, et les élections municipales se tiendront en Nouvelle-Calédonie.

Le projet prévoit, via une loi fondamentale, la naissance de la Nouvelle-Calédonie en tant qu’État à part entière. Ce texte pourra modifier les signes identitaires du pays (nom, drapeau, hymne, devise), inclure un code de la citoyenneté, ainsi qu’une charte des valeurs calédoniennes mêlant «valeurs républicaines», «valeurs kanak» et «valeurs océaniennes».

Cette Constitution calédonienne sera adoptée par le Congrès calédonien à la majorité des trois cinquièmes et devra faire l’objet d’un large travail de pédagogie politique, selon la promesse d’accord signée.

Cette loi fondamentale crée de fait une nationalité calédonienne, qui viendra s’ajouter à la nationalité française. Elle pourra être acquise par des Français qui remplissent certaines conditions, qui devront être précisées dans la Constitution calédonienne.

Mais il y aura donc bien une double nationalité, française et calédonienne, dépendantes l’une de l’autre : le renoncement à la nationalité française entraînerait le renoncement à la nationalité calédonienne.

La répartition des compétences entre l’État et les institutions locales reste pour l’instant inchangée, mais le texte prévoit une possibilité de les transférer progressivement, par résolution du Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Cela pourra concerner des domaines comme la diplomatie, la sécurité, la justice ou la monnaie.

La Nouvelle-Calédonie exercera une compétence pleine sur les relations internationales mais pas en matière de défense et de sécurité. Elle sera également étroitement associée à l’exercice des fonctions régaliennes, avec un plan de formation pour former l’encadrement administratif, judiciaire et sécuritaire. Le nouvel État conduira ses actions diplomatiques «dans le respect de ses engagements internationaux et des intérêts de la France», précise le texte.

Le Congrès calédonien comptera désormais 56 membres, avec la possibilité de modifier le mode de scrutin, le nombre de circonscriptions, et la répartition entre les assemblées de province. Une loi organique spéciale garantira le maintien d’un mécanisme de solidarité entre les institutions du Nord, du Sud et des îles Loyauté, les trois provinces de l’archipel.

Alors que l’archipel est en proie à une profonde crise économique, des objectifs seront fixés tant pour l’assainissement des finances publiques que pour une relance économique. Est aussi inscrit un plan dédié au nickel, une ressource particulièrement stratégique pour la Nouvelle-Calédonie. Ce programme prévoit de faciliter l’export de minerai dans le cadre d’une «doctrine renouvelée», avec le projet que le nickel calédonien reste prioritairement transformé localement ou dans des usines calédoniennes offshore. Le texte mentionne aussi un accompagnement technique et financier de l’Etat.

Du côté des non-indépendantistes, l’heure est à l’enthousiasme. «Cet accord permet à l’espoir de renaître», a estimé Philippe Gomes, chef de file du parti Calédonie ensemble. Dans un communiqué, les Loyalistes et le Rassemblement se félicitent d’un texte qui permet «d’instaurer une nouvelle ère de stabilité».

Au gouvernement, le Premier ministre François Bayrou a exprimé sa «fierté d’un accord à hauteur d’Histoire» trouvé par les forces politiques calédoniennes. «Honneur aux courageux négociateurs, merci à M. Valls», a-t-il aussi écrit sur X. Lequel a salué «le choix du courage et de la responsabilité» fait par les signataires.

Le ministre des Outre-mer a salué «un engagement majeur, fruit d’un long travail de négociations au cours duquel les partenaires calédoniens ont fait le choix du courage et de la responsabilité».

Pour sa part, le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon a estimé qu’il «sera essentiel d’analyser les conséquences sur le statut constitutionnel de la France et de ses principes profondément bouleversés par ces dispositions».

Mise à jour : à 12 h 35, avec l’ajout du contenu du projet d’accord et de la réaction de Jean-Luc Mélenchon.