Publié le
12 juil. 2025 à 17h32
« C’est un coup de main, plus qu’un secret. » Un petit plus tout de même : la farine, « dite normale », précise-t-on. Ulysse Moulaine, 65 ans, a un secret, malgré tout : les habitudes, et le travail à l’ancienne. Dans sa petite pizzeria ouverte au début des années 1990 avec son frère cadet Jérôme, à deux pas de la place Saint-Projet, on trouve l’essentiel du parfait pizzaïolo : un rouleau, deux pelles et un four. Puis une calculatrice, un stylo, et c’est tout. « Ici, tout est fait manuellement. » Alors, bien sûr, on oublie la caisse enregistreuse et les paiements par carte bleue…
« C’est un choix économique. » Oui, mais pas seulement. « Le problème avec la carte bleue, c’est qu’on a plus d’invendus : « si elle ne fonctionne pas, eh bien, la pizza reste là », explique Jérôme, éponge à la main, en lustrant son plan de travail. Et les deux frères en sont sûrs : les clients qui n’ont pas de liquide vont retirer… puis reviennent. Au passage, Ulysse glisse une petite remarque, un souvenir d’enfance : « Petit, à l’époque, si tu n’avais pas 5 francs sur toi c’était considéré comme du vagabondage. »
Une pizza à moins de 10 euros
Il faut le reconnaître : « Une pizza à emporter » — c’est au choix, le nom de l’établissement ou simplement l’enseigne jaune criarde visible depuis la rue — ne coûte pas bien cher chez les deux frères. On est loin des 5 francs, mais on reste sous la barre des 10 euros. Comptez 8,70 euros pour une margarita, 9 euros pour une sicilienne, et jusqu’à 12 euros pour les recettes qui sortent un peu du lot.
Indienne, Buffalo, Antillaise… Les puristes diront qu’on s’éloigne de la tradition niçoise : la pâte, élaborée par les deux pizzaïolos, qui est une variante de la pâte à pizza romaine et non de la napolitaine. Mais il faut bien « s’adapter à la demande » précise Ulysse. Et puis, parmi ces « interprétations du pizzaïolo », même en plein été, la Tartiflette y a une place toute particulière puisqu’elle figure dans le top des ventes. Et pas question de retirer une recette ou d’en inventer une nouvelle. Ici, ce sont les mêmes pizzas et la même passion.
« On garde tout le temps la même marchandise pour garder une constance et un goût identique. Les gens doivent pouvoir se reconnaître car quand un client mange une pizza, il revient toujours pour celle-ci. »
Ulysse Moulaine
pizzaiolo à Bordeaux
Et pour les prix ? L’idée est de « ne pas impacter un budget étudiant ». Le sexagénaire aime leur contact, au même titre qu’il adore les sorties au Cercle ou au Monseigneur, mais là c’est un autre sujet. Est-il un oiseau de nuit ? « Pire que ça ! » s’exclame-t-il.
Ce jeudi midi, toutefois, pas de « farine normale » sur les doigts et des tenues presque impeccables car, à 13 heures, ce jour, les clients se font un peu attendre. Sans les étudiants pendant l’été, l’ambiance est plus morose, et les cars de touristes ne s’attroupent pas non plus devant leur petite pizzeria de la rue Tustal. Pas plus que les voitures… Au grand dam d’Ulysse et Jérôme, qui se souviennent d’une autre époque — « celle d’avant les bornes, où une cinquantaine de véhicules s’arrêtaient chaque jour devant l’établissement pour venir chercher une pizza ».
Jusqu’à 1 000 pizzas par semaine
Et pour vous, le tram ? Très peu. C’est en voiture qu’ils arrivent chaque jour, du lundi au dimanche, depuis Mérignac, pour ouvrir leur commerce si cher à leur cœur. En plus d’être associés, les deux frères vivent dans le « même bâtiment ». Une affaire de famille qui roule, loin de leur Corrèze natale. Et loin de la retraite aussi. « J’aime le contact humain et ce n’est pas du tout dans mon optique de rester chez moi à rien faire », justifie Ulysse.
Un regret, tout de même : celui de l’ère pré-Covid, où les pizzas partaient par centaines chaque semaine. « On en vendait entre 800 et 1 000, aujourd’hui c’est très variable, car les habitudes de consommation ont changé. » Dans ce contexte, les deux frères envisagent peut-être d’augmenter leurs prix, mais « dans des proportions raisonnables », rassurent-ils.
« On a gagné moins, mais on n’est pas là pour s’enrichir. »
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