Par un froid glacial de janvier, des stocks de conteneurs forment deux murailles d’acier à perte de vue. L’une pour les boîtes vides, l’autre pour les pleines. Des monstres de 27 tonnes l’unité, une fois remplis ! Entre elles circule un ballet de camions : certains déposent une boîte de 40 pieds, d’autres les chargent. Direction la région parisienne, voire au-delà comme l’indique un chauffeur croisé ce matin-là qui va transporter un conteneur vide jusque dans l’Yonne.
Nous sommes à Valenton (Val-de-Marne) sur un site de 120 000 hectares entièrement dédié au transport combiné. Quatre opérateurs y chargent et déchargent camions et wagons, dont Naviland Cargo, une filiale de Rail Logistics Europe (groupe SNCF) qui dispose d’un terminal de 16 hectares. «Chaque jour, 300 conteneurs sont manutentionnés et nous avons six rotations de trains (Le Havre, Bordeaux, Saint-Pierre-des-Corps et Marseille)», détaille Sébastien Torres, le directeur régional. Naviland exploite en Europe une vingtaine de sites de ce type. Dans celui du sud de Paris, l’opérateur dispose de deux portiques datant de 1985, entièrement rénovés avec des cabines neuves.
Ce jour-là, un seul engin de manutention fonctionne, par manque de personnel, car il est difficile de recruter pour ces métiers. Des wagons flambant neufs attendent d’être chargés. Ils font partie des 100 millions d’euros investis par Naviland afin de transporter deux conteneurs de 40 pieds chacun, ce qui n’était pas possible avec l’ancien matériel roulant. Les trains sont chargés et contrôlés (essais de freins, bogies) pour quitter le terminal en fin d’après-midi et rejoindre la gare de triage de Valenton. Les manœuvres sur le terminal, puis le transport à destination sont effectués par Hexafret, l’une des deux sociétés avec Technis, qui remplacent Fret SNCF depuis le 1er janvier pour répondre aux exigences de Bruxelles sur la discontinuité de l’entreprise.
Le bruit strident du freinage
Au nord de Paris, c’est l’immense gare de triage par gravité du Bourget (Seine-Saint-Denis) qui trie les wagons et compose des trains. Elle s’étend sur trois kilomètres de longueur avec 48 voies, dont 40 sont dédiées à Hexafret, les autres étant utilisées pour le chantier du CDG Express. Les trains arrivent du nord et du sud de la France et de l’Europe.
Les premières activités remontent à 1863 dans cette zone alors non urbanisée. Les riverains arrivés depuis se plaignent du bruit strident du freinage. «Environ 300 wagons sont triés chaque jour quand il y en avait trois fois plus dans le passé», indique Gilles Boisfer, dirigeant de proximité sur le site. Preuve que ce triage pourrait absorber une forte hausse de l’activité.
Même si le système de triage dit « à bosse » peut paraître d’un autre âge, il reste très efficace. «Le système informatique prend en compte le poids des wagons, la distance et la composition des trains à réaliser», décrit Omar Niang, autre dirigeant de proximité du haut du poste 2. À l’intérieur, SNCF Réseau manipule les aiguillages avec des commandes mécaniques. Quand les wagons arrivent, ils sont séparés. Une locomotive pousse le convoi sur la bosse, puis les wagons descendent en roulant par gravité et sont dirigés par aiguillage sur les voies du triage, où sont composés les trains.
Des freins de voie ralentissent le wagon pour éviter de heurter violemment le précédent. Au poste 2, un freineur intervient si les wagons vont trop vite et si une motrice est nécessaire pour pousser un wagon arrêté dans son élan. La fenêtre reste ouverte pour lui permettre d’entendre le son des wagons qui freinent. Car à l’heure des technologies numériques, une bonne oreille reste essentielle dans ce métier.
Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3740 – Mars 2025
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