Par
Thibault Nadal
Publié le
13 juil. 2025 à 6h00
EXCLUSIF. Il est le premier à s’être jeté dans l’arène. Le 18 juin 2025, Franck Allisio, député (RN) des Bouches-du-Rhône, annonçait sa candidature pour les élections municipales à Marseille. Une récompense pour ce Marseillais de naissance, devenu depuis quelques années la véritable figure du Rassemblement national dans le département. Un mois plus tard, le candidat du Rassemblement national a accordé un long entretien à actu Marseille. L’occasion de faire un premier bilan sur son début de campagne et les échéances à venir.
Propos recueillis par Thibault Nadal, avec Fabien Binacchi
« Si une information judiciaire a été déclenchée, c’est parce que je suis candidat à la mairie de Marseille »
Actu : Ce jeudi, on a appris que le RN était visé par une enquête pour des soupçons de financement illégal de campagnes électorales lors des municipales de 2020, notamment à Marseille. Comment vous positionnez-vous ?
Franck Allisio : Sur la question des prêts, Marine (Le Pen) et Jordan (Bardella) parlent d’acharnement. C’est compliqué de le définir autrement (…) Pour l’instant, je ne vois que de la gesticulation médiatico-politique. Si dans un pays, l’opposition n’a plus aucun moyen – et c’est qui se passe en France – pour se financer, on sort de la démocratie. Les banques ne veulent pas financer le RN parce qu’elles ont peur des gouvernants. Quand il y a des banques étrangères, on nous parle d’ingérence. Notre solution, c’est de demander aux Français directement. Si on ne permet pas ça, la politique sera réservée aux riches et aux puissants.
Vous êtes vous-même visé par une enquête sur des soupçons de détournement des moyens mis à la disposition de son parti par la Région…
F. A. : C’est anecdotique et je suis à la disposition des juges. Les juges veulent savoir comment j’ai utilisé ma voiture de service en tant que président de groupe au Conseil régional. Tout le monde, car je ne suis pas d’une nature suspicieuse – me dit que si je n’avais pas été candidat, il n’y aurait jamais eu de déclenchement de l’article 40. Des petites histoires comme ça, il y a en tous les jours. Mais normalement, ça ne dépasse jamais le mur des réseaux sociaux. Si là, ça va jusqu’à déclencher une information judiciaire, c’est parce que je suis candidat à la mairie de Marseille et que je suis haut placé dans les sondages. Si j’étais à 5 %, il n’y aurait pas eu d’ouverture d’information.
« La loi PLM est un progrès pour Marseille »
La loi PLM, qui modifie le mode de scrutin à Marseille, a été définitivement adoptée à l’Assemblée nationale. Vous avez voté pour. J’imagine que vous êtes satisfait.
F.A. : C’est un progrès pour les Marseillais. Je suis content de voter beaucoup plus directement qu’avant pour le maire de Marseille et pour le maire d’arrondissement, car c’est tout l’intérêt de cette réforme. Avant, tout cela se faisait dans les arrière-boutiques. Entre les deux tours, la gauche et la droite macroniste s’appelaient en cachette pour dire : « je me retire dans ce secteur et tu te retires dans celui-là ». Je ne supportais pas cette politique qui se faisait dans et sur le dos des Marseillais. Ce qui me plaît, c’est la transparence et la clarté.
Avantage-t-elle le RN ?
F.A. : C’est neutre. On est probablement ceux qui ont le moins d’intérêt là-dedans. Martine Vassal et Renaud Muselier aimaient bien l’ancien système, car ça permettait de faire de la tambouille politicienne entre les deux tours. M.Payan, ça lui permet de régler ses problèmes avec ses amis en interne. Je suis plus heureux que les Marseillais puissent être encore plus présents dans cette élection qui ne l’aurait été dans l’ancien système.
« Jordan Bardella et Marine Le Pen m’ont demandé de me lancer »
Vous êtes le premier candidat à vous être déclaré lors de cette campagne. Pourquoi avoir fait ce choix ?
F.A. : J’étais prêt. Au niveau de ma famille politique, tant Jordan (Bardella) que Marine (Le Pen) me l’avait conseillé. Il m’avait dit : « ce serait bien que ce soit toi ». La confiance de mon parti, des Marseillais et l’urgence d’agir pour Marseille m’ont conforté. De commencer une campagne plus tôt, mieux c’est. Cela me laisse plus de temps, pour expliquer, pour aller à la rencontre des Marseillais et pour finaliser mon projet.
Quand avez-vous pris votre décision ?
F.A. : Ce fut un long cheminement. Au début, l’idée fait son chemin puis on vous encourage. J’ai pris ma décision quelques semaines avant l’annonce, entre les mois d’avril et mai.
Vous avez évoqué Jordan Bardella et Marine Le Pen. Que vous ont-ils dit avant de vous lancer ?
F.A. : Jordan Bardelle m’a conseillé de faire comme aux européennes en 2024 en ouvrant les portes au maximum. Il faut sans arrêt intégrer de nouveaux visages, de nouvelles compétences et de nouvelles personnes qui s’engagent. Il faut trouver ces gens qui veulent faire ce bout de chemin avec nous pour que Marseille gagne. Union, rassemblement, ouvertures font aujourd’hui partie de l’ADN du Rassemblement national.
Franck Allisio espère rassembler bien au-delà des partisans du Rassemblement national. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)« Martine Vassal est beaucoup plus proche de Martine Vassal que de moi »
Vous parlez de Martine Vassal. Vous lui avez tendu la main en vue d’une alliance.
F.A. : Oui, il y a quelques mois. Mais, elle n’a pas voulu quitter la macronie. Je lui ai tendu la main, car elle parle souvent comme moi. Elle dit souvent qu’elle partage des valeurs avec le Rassemblement national. Je l’ai prise au mot. Dans ces cas-là, clarifiez les choses et rejoignez-nous, parce que je veux l’union la plus large possible. On a appris dans les semaines qui ont suivi qu’elle était plus en discussion avec les équipes de M.Payan qu’avec nous. Au moins, c’est clair : Martine Vassal est beaucoup plus proche de Benoît Payan que de moi. J’ai ressenti un double discours.
En parlant d’alliance, Stéphane Ravier (député des Bouches-du-Rhône) a appelé à une union claire avec vous.
F.A. : Avec Stéphane, on est dans une période d’échange. Est-ce qu’on trouvera un chemin ? Je l’espère. S’il était candidat, il jouerait contre nous et il diviserait les voix. Mais je ne pense pas qu’il fera ce choix. On a eu des différents importants en 2022 (quand Stéphane Ravier avait rejoint Reconquête! et Éric Zemmour). Humainement, ça a été douloureux. Mais on peut considérer que ce qu’il s’est passé, est passé. Quand on me tend une main, je ne crache pas dessus.
Quelle est votre vision de la campagne qui va durer de longs mois ?
F.A. : Le Rassemblement national peut créer la surprise aujourd’hui. On peut ensemble donner à Marseille un nouvel espoir et un nouvel avenir. C’est pour ça qu’on fonce et qu’on est déterminés tourner la page de Benoît Payan et Martine Vassal. En cinq ans à la mairie, il ne s’est rien passé. En dix à la Métropole, il ne s’est rien passé. Quand on se met à parler propreté et sécurité quelques mois avant une échéance, c’est prendre les électeurs pour des idiots. Aux législatives en 2024, on a fait 31 % sur Marseille, alors qu’il y avait des candidats chez tous les partis politiques. Il ne faut pas oublier La France insoumise qui pèsera dans la campagne. Le danger de l’extrême gauche dans notre ville est important et inquiétant. Ce qui m’inquiète chez LFI, c’est leur dérive antisémite, violente et leur sectarisme.
Benoît Payan parle souvent de « rassembler et de ne pas diviser les Marseillais ». Partagez-vous cette vision ?
F.A. : Je veux être le maire de tous les Marseillais. Il y a toujours un groupe qui fout le bordel et pourrit la vie des autres. Je serai le candidat de ceux qui aiment Marseille et la France. Je serai aussi celui de ceux qui veulent vivre dans l’ordre et la sécurité, de ceux qui veulent travailler et vivre du fruit de leur travail, de ceux qui veulent élever leurs enfants et ceux qui sont attachés à notre histoire et à notre culture. Ces gens-là représentent 95 % des habitants. Je serai leur candidat et leur maire. Il faut rassembler et nous rassemblons.
« Je ne suis pas obsédé par la notoriété »
Vous êtes Marseillais. Est-ce une force pour comprendre les enjeux de l’élection ?
F.A. : Vous sentez toujours votre ville avec vos tripes quand vous avez grandi ici. Vous respirez et transpirez votre ville. On a toujours un lien charnel avec la ville où l’on a grandi.
Vos adversaires politiques vous reprochent de ne pas vous être présenté à Marseille lors des législatives en 2024. Pourquoi ce choix ?
F.A. : Il aurait été beaucoup plus confortable pour moi de me présenter à Marseille. C’est plus simple et il y avait plusieurs circonscriptions qui étaient plus simples pour moi. Mais il y avait un combat difficile à mener aux portes de Marseille. L’incendie n’a pas fait la différence entre Marseille et les Pennes-Mirabeau. Moi, c’est pareil. Le maillot de l’OM, il est porté partout dans le département. Tout ça, c’est de la mousse politique. Mes adversaires ont tellement peu qu’ils vont chercher ce genre de choses. Je suis né à Marseille, j’y vis et j’aime ma ville.
Vous avez beaucoup investi les réseaux sociaux depuis le début de votre campagne. Est-ce pour gommer votre déficit de notoriété ?
F.A. : Je ne suis pas obsédé par la notoriété. L’important, c’est de parler et toucher les Marseillais. Je ne fais pas un concours de beauté. Ce n’est pas important que l’on voit ma tête de partout, contrairement à Martine Vassal, dont la campagne est payée par le contribuable. Je n’ai pas de problème de ne pas avoir ma tête partout sur tous les abribus avec mon nom écrit en gros. Ce que je veux, c’est échanger avec les Marseillais. Ma petite personne n’est pas essentielle. Je ne me cache pas, mais je ne me surexpose pas non plus. Quand je vais dans la rue, je ne peux passer trois minutes sans que l’on vienne me parler.
S’il est élu maire de Marseille en 2026, Franck Allisio prendra trois mesures d’urgence sur le domaine de la sécurité lors des 100 premiers. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)
Votre slogan de campagne, c’est « Marseille en ordre ». La sécurité sera-t-elle votre principal thème de campagne ?
F.A. : Oui. « Marseille en ordre », c’est la délinquance, la criminalité et les trafics de drogue. Mais c’est plus large que ça. C’est aussi l’ordre dans la rue, dans les écoles, dans les transports publics, dans les finances locales et dans les poubelles. Je veux un ordre juste. Quand il y a eu la canicule (entre fin juin et début juillet), j’ai partagé cette idée à Marine Le Pen : Pourquoi il n’y a pas un vrai plan de climatisation ? Pourquoi il n’y a pas de transports publics climatisés ? Il y a tellement de gaspillage. Nos Ephad, nos maisons retraites, nos écoles ne sont pas climatisés. Les plus fragiles souffrent beaucoup plus que les autres des canicules et on est en retard. Dans les prochains mois, on va continuer à approfondir le programme, parce qu’il y a tout un volet économique. Je considère qu’on nous massacre d’impôts. On ne peut pas demander des miracles aux Marseillais. Il faut miser sur les entrepreneurs et sur l’installation des entreprises. Je suis pro travail. On est une droite populaire. On n’est pas une droite du fric, mais du travail.
Si vous êtes élu maire en 2026, quelles seront vos premières mesures en termes de sécurité ?
F.A. : Il faudra que le maire de Marseille aille taper du poing sur la table au gouvernement. Je demanderai qu’on mette l’état d’urgence dans toute une partie de Marseille, parce que dans certains quartiers, il faut que la police et la justice aient davantage de moyens pour être efficaces face à la criminalité et aux trafics de drogues qui explosent. Localement, on a deux moins de policiers municipaux que l’on devrait avoir. Notre police municipale n’a pas de vrai chef. Le maire de Marseille n’assume pas son rôle de patron. Elle a besoin de quelqu’un qui lui fasse confiance. Enfin, il faut de la vidéosurveillance. On a trois fois moins de vidéosurveillances que dans d’autres villes françaises. Ce sont des mesures que l’on peut prendre rapidement, dans les 100 premiers jours, et qui seront très concrètes.
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