Le “moon-rice” miniature pourrait nourrir les astronautes et peut-être aussi l’humanité.
Des plantes de 10 centimètres, pleines de protéines, capables de pousser dans un vaisseau spatial. C’est l’objectif de ce projet scientifique italien qui bouscule les codes de l’agriculture avec un riz mutant conçu pour les missions longues sur la Lune ou Mars et qui pourrait bien dépasser le simple stade du projet de science-fiction !
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Quand on pense “agriculture spatiale”, on pense d’abord à la lumière artificielle, au recyclage de l’eau, ou aux cycles de croissance contrôlés mais il y existe un obstacle bien plus bête : la place.
Sur une station lunaire ou martienne, chaque centimètre carré compte. Or même les variétés dites “naines” de riz dépassent souvent 30 ou 40 centimètres de hauteur. C’est trop pour une capsule pressurisée ou un mini-dôme de culture.
Les astronautes ont pourtant besoin de fibres, de vitamines, d’antioxydants. Bref, de frais. Les plats sous vide ne suffisent plus sur des missions de plusieurs mois.
L’agence spatiale italienne, en lien avec trois grandes universités, a décidé d’attaquer le problème à la racine. Littéralement.
Une mutation génétique assumée
Les chercheurs ont donc recours à la mutagenèse dirigée. Une méthode qui consiste à forcer l’apparition de mutations dans le génome du riz, à l’aide de CRISPR-Cas ou de rotations cellulaires continues.
Objectif : faire naître une variété ultra-naine, capable de tenir dans 10 centimètres, tout en restant productive.
Voici les principales étapes du projet :
Objectif
Résultat
Une des grandes difficultés vient de l’hormone végétale appelée gibbérelline. C’est elle qui contrôle la taille des plantes. En la bloquant, on peut obtenir des tiges plus courtes. Problème : cela nuit souvent à la germination.
Dans l’espace, une plante doit être petite, productive, résistante et nutritive. Pas question de sacrifier un paramètre au profit des autres. C’est un véritable casse-tête génétique.
Trois universités, une mission commune
Le projet Moon-Rice s’appuie sur un triptyque scientifique bien huilé :
- L’université de Milan s’occupe de la génétique du riz.
- L’université de Rome Sapienza travaille sur la physiologie des cultures.
- L’université de Naples Federico II se concentre sur la production végétale en environnement spatial.
Ces rôles croisés permettent d’avancer plus vite. En neuf mois, les équipes ont déjà obtenu des lignées prometteuses.
À Milan, les plants mutants ne dépassent pas 10 centimètres. À Rome, les chercheurs identifient les structures optimales pour maximiser la photosynthèse malgré la petite taille. À Naples, on teste les conditions de culture sous gravité simulée, avec des plateaux tournants qui empêchent la plante de “savoir” où est le haut ou le bas.
Des plantes qui n’ont plus besoin de savoir où est le ciel
Sur Terre, les plantes utilisent la gravité pour pousser : les racines descendent, les tiges montent. En orbite, ce réflexe disparaît.
Pour imiter ces conditions, les chercheurs placent les semis dans un système de rotation continue. Chaque face de la plante est soumise à une force égale. Les cellules sont ainsi activées dans toutes les directions à la fois. Cela perturbe l’organisation classique du végétal… et permet de voir quelles mutations tiennent le coup.
Le défi est aussi psychologique : une plante sans “haut” ni “bas” va-t-elle continuer à produire des graines, à absorber la lumière, à réagir comme sur Terre ? C’est tout l’objet des tests de la biologiste Marta Del Bianco.
Elle explique : « En microgravité, la plante doit faire sans repère. Si elle continue à croître normalement, c’est qu’on tient une variété viable pour l’espace. »
Une graine lunaire pour résoudre des problèmes bien terrestres
Le but de Moon-Rice dépasse largement les missions lunaires. Car une plante capable de pousser dans un dôme pressurisé sur la Lune pourrait aussi croître :
- En Antarctique
- Dans le désert du Sahara
- En haute montagne
- Dans des containers urbains
- Ou même dans des abris de secours après une catastrophe
Un riz miniature enrichi en protéines pourrait devenir un aliment de base dans des contextes extrêmes. Moins coûteux à transporter, plus simple à cultiver en autonomie, il pourrait même réduire la dépendance à la viande dans des environnements fermés.
Une vitrine scientifique présentée en Belgique
Les premiers résultats du projet ont été présentés le 9 juillet 2025, à l’occasion du congrès annuel de la Society for Experimental Biology à Anvers. Les réactions ont été enthousiastes.
L’expérience, encore en cours, durera quatre ans. Mais les chercheurs espèrent dès maintenant déposer des brevets, voire proposer des applications agricoles dès les deux prochaines années.
S’il aboutit, Moon-Rice pourrait devenir un exemple parfait d’innovation spatiale appliquée au vivant : une technologie développée pour l’espace, mais qui trouve un usage immédiat ici-bas. Une graine de Lune… qui pourrait bien germer dans nos assiettes.
Source :
https://iafastro.directory/iac/archive/tree/IAC-24/A1/7/IAC-24,A1,7,13,x87283.brief.pdf
Image :
Légende :
Collection de plants de riz mutés par CRISPR-Cas.
Crédit :
Avec l’aimable autorisation de l’université de Milan.