Au cours de l’année écoulée, j’ai traversé un nombre incalculable de fois la frontière entre la Slovénie et l’Italie, sur les hauteurs de Trieste. Car lorsque l’on habite une ville frontalière, on fait en permanence la navette de part et d’autre de la ligne, que ce soit pour le travail, pour les balades dominicales ou pour faire le plein d’essence au meilleur prix. La structure du poste-frontière de Basovizza n’existe plus : elle a été démolie le 21 décembre 2007 quand, après une nuit à trinquer et à échanger des accolades, les maires et les habitants des deux communes [situées de part et d’autre] ont scié les barrières qui séparaient les deux pays, désormais réunis par leur appartenance commune à l’Europe et par l’adhésion de la Slovénie – entrée dans l’Union européenne trois ans plus tôt, en même temps que huit autres pays de l’Est – à l’espace de libre circulation de Schengen.

C’était un jour à marquer d’une pierre blanche : on passait à présent librement là où, quinze ans plus tôt, s’étiraient le rideau de fer et les barbelés de la guerre froide traçant la démarcation entre l’Occident et le bloc du socialisme réel. C’était aussi l’image cathartique de la fin des souffrances et des terribles souvenirs des Italiens, Slovènes et Croates d’un XXe siècle marqué par la tragédie de