Note : 4/5

Mo Hayder a choisi pour décor un village typique des Cotswolds, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Bienvenue à Eastombrit, un village comme les autres. Là où Alex Mullins est revenue s’installer après un passage dans la police londonienne. Cette petite jeune femme à la tignasse brune en bataille, au visage constellé de taches de rousseur habite à nouveau dans la somptueuse villa moderniste de verre et de métal de sa mère. Une immense maison qui domine la ville, avec son jardin à la lisière d’un parc. Pas loin d’un lac dont elle est ressortie indemne, hormis une vilaine blessure à la main, après le tragique accident d’autocar qui a fait sept morts et trois blessés graves, handicapés à vie, parmi les quatorze passagers.

Son ami d’enfance, Arram Black, était présent ce jour-là. Il s’en est sorti lui aussi et travaille, comme elle, dans la police, en tant que formateur informatique à la section médico-légale de Gloucester. À Eastombrit, personne n’a vraiment oublié le traumatisme de l’accident. Une légende urbaine encombre qui plus est les esprits. Une créature surnommée « Crâne d’os » ferait des apparitions régulières dans les parages. Maryam, la mère d’Arram, a souvent l’impression de croiser le fantôme de cette prostituée assassinée par un homme qui serait revenu plusieurs fois violer son cadavre….

Le lecteur pris aux tripes

Mo Hayder excelle à installer une ambiance étrange et inquiétante, à préférer la cuisson à petit feu aux coups de tonnerre permanents. En prenant le temps de creuser ses personnages, de montrer leurs fêlures et leurs failles. Comme celles d’Alex, incapable d’oublier ce qu’elle a traversé la nuit de l’accident, qui rationalise tout, prétend que les fantômes n’existent pas et être une « flic a priori saine d’esprit ». Ou celles de Maryam, une femme que tout le monde juge ancrée mais qui a l’impression d’être restée une éternelle fille de ferme galloise et lourdaude…

Avec Mo Hayder, l’expression « prendre aux tripes » a vraiment tout son sens. La tension monte à chaque chapitre de « Crâne d’os » dont le paysage des Cotswolds est à des années-lumière des cosy-crimes de M.C. Beaton. En postface, sa consœur Karin Slaugher lui rend un bel hommage rappelant, fort justement, que Mo Hayder « n’était pas une autrice de polars – elle était une autrice tout court ». Une immense, dans la lignée d’un Simenon ou d’une Ruth Rendell, qui a travaillé inlassablement à sonder les ténèbres du monde, à montrer ce que l’être humain est capable d’endurer ou de faire subir. Son ultime tour de force empoigne, malmène et cloue sur place dans ses dernières lignes. « Crâne d’os » est de ces livres qu’on offrira, qu’on gardera, qu’on n’oubliera pas et qu’on reliera un jour.

 Crâne d’os », le dernier et inouï chef-d’œuvre de Mo Hayder, disparue prématurément en 2021 (Les Presses de la Cité)

Mo Hayder, « Crâne d’os », traduit de l’anglais par Anne-Sylvie Homassel, Les Presses de la Cité, 427 pages, 22, 90 €.