Il était question «d’annonces majeures» du chef de l’Etat sur «l’effort de défense» pour réarmer la France. Le discours d’Emmanuel Macron aux armées aura finalement été moins spectaculaire que les promesses des conseillers élyséens. A l’hôtel de Brienne à Paris, le président de la République a entamé ce dimanche 13 juillet au soir ce discours traditionnel par un constat alarmant sur l’état du monde. «Nous vivons un moment de bascule. Jamais depuis 1945, la liberté n’avait été autant menacée», «attaquée par les puissances impérialistes et d’annexion» comme la Russie, ainsi que par la «loi du plus fort» qui s’installe de plus en plus, a souligné le chef de l’Etat, d’un ton grave.
«Jamais à ce point la paix sur notre continent n’avait dépendu de nos décisions présentes», a-t-il ajouté. «Nous, Européens, devons assurer notre sécurité nous-mêmes», face «au retour de la prolifération des conflits majeurs», a mis en garde le Président, en citant tant l’Ukraine que le Moyen-Orient, ou encore l’Inde et le Pakistan. «Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant. Pour cela, la Nation doit être plus forte», a lancé Emmanuel Macron.
Cela passerait dans un premier temps par «une meilleure prise de conscience des Français des menaces hybrides qui nous entourent». Le chef des Armées a aussi évoqué le besoin qu’elles «gagnent en masse», donnant ainsi rendez-vous «à l’automne» pour ses décisions concernant «l’avenir du Service national universel (SNU), l’organisation de la mobilisation de notre jeunesse et l’accroissement de notre réserve». Mais plus largement, Emmanuel Macron a souligné la nécessité de «prendre la mesure du tournant capacitaire à engager», a-t-il prévenu, face à «tous les défis qui nous sont posés», «à l’heure des prédateurs». «Nous avons une avance, mais demain, au même rythme, nous serions dépassés», faute de crédits supplémentaires pour la défense.
Annonçant un «effort nouveau et historique», le chef de l’Etat a déclaré qu’il souhaitait des moyens supplémentaires pour les armées par rapport à la trajectoire financière prévue dans la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030. «Le salut de la patrie suppose que nous dépensions plus pour notre défense et que chacun prenne sa part de cet investissement», a-t-il professé. Parmi les besoins à financer, il a cité les stocks de munition, les drones, la défense aérienne, la guerre électronique, la guerre spatiale et le développement de la réserve militaire.
En pratique, le chef de l’Etat souhaite anticiper de trois ans la cible fixée à 2030 par la LPM : «Alors que nous avions prévu de doubler le budget [par rapport à 2017] d’ici à 2030, nous allons le doubler d’ici à 2027». L’effort supplémentaire serait de 3,5 milliards d’euros en 2026 et 3 milliards l’année suivante. «Nous consacrerons donc 64 milliards d’euros à notre défense en 2027», a-t-il conclu, sans préciser comment ce surcroît de dépense serait financé : c’est le Premier ministre François Bayrou qui sera chargé de l’annoncer mardi 15 juillet, dans une allocution sur les pistes de financement du prochain budget.
Le chef de l’Etat a cependant tracé une ligne rouge : «nous refusons que ce réarmement passe par l’endettement. [Il doit être] financé par plus d’activité et plus de production». Le sort de cet ajustement sera cependant entre les mains des parlementaires, qui votent le budget et sont également susceptibles de censurer le gouvernement de François Bayrou. «A chacun de prendre ses responsabilités», les a avertis Macron.
L’Elysée avait prévenu que le président de la République tirerait «les conclusions» du contexte de menace russe jugée durable contre l’Europe, et du recours à la force de plus en plus désinhibé dans le monde. «Très clairement, nous devons aujourd’hui réviser notre programmation et notre stratégie, la réviser à la lumière de changement de la nature du risque», avait prévenu jeudi Emmanuel Macron.
Alors que les pays de l’Otan se sont engagés à consacrer à l’avenir 3,5 % de leur PIB à leur défense, Paris tablait jusqu’alors sur un budget de 413 milliards d’euros prévu entre 2024 et 2030 par la loi de programmation militaire, en dépit de la traque aux économies pour réduire l’abyssal déficit des finances publiques du pays.
Lundi, lors du traditionnel défilé du 14-juillet, de retour sur la prestigieuse avenue parisienne des Champs-Elysées après avoir été déplacé l’an passé en raison des Jeux Olympiques, l’armée française entend mettre en valeur sa «crédibilité opérationnelle» et sa «solidarité stratégique» avec ses partenaires.
Le défilé met cette année à l’honneur l’Indonésie, avec qui la France a conclu un partenariat stratégique pour peser dans la zone indo-pacifique.
Après les écoles, «l’ossature» de la parade militaire sera constituée autour des unités de la 7e brigade blindée, qui paradera non pas «en tenue de défilé […] mais en bloc opérationnel et en tenue de combat à bord des engins blindés», selon le gouverneur militaire de Paris, le général Loïc Mizon, responsable de l’organisation. «Il s’agit de montrer un outil de combat qui est quasiment prêt à partir, tel qu’il est présenté à nos concitoyens sur les Champs-Élysées», a expliqué le général.
Paris se veut capable de déployer cette année si nécessaire une brigade «bonne de guerre» -soit plus de 7 000 hommes avec toutes les munitions et la logistique- en dix jours. En 2027, l’ambition est de faire de même pour une division (plus de 20 000 hommes) en trente jours.
Mise à jour le 13/07 à 21h40 : correction des hausses budgétaires annoncées par Emmanuel Macron (3,5 milliards en 2026 et non 2,5 milliards)