Régine Deforges, sa bicyclette bleue, son héroïne, Léa, sont au sommet de leur gloire et règnent sur le classement des meilleures ventes de livres en France. Pourtant, la romancière écrit dans son journal : « J’ai l’impression d’être constamment en retrait, de participer à la pièce en spectateur : c’est très inconfortable ! Ajouter à cela, ma peur, mes doutes, sur moi, sur mon talent. La grande question : ai-je du talent ? Suis-je un bon écrivain ? Que j’aie écrit tous ces livres qui ont tant de succès me fait douter de leurs qualités profondes. Après tout, je suis assez proche de ceux qui pensent qu’un livre qui marche est souvent un livre médiocre puisqu’il plaît au plus grand nombre. Ce désir d’élitisme ! C’est minable, j’en conviens ! »

Tout avait commencé cinq ans auparavant par une de ces idées saugrenues dont le milieu de l’édition était (et demeure) coutumier. Jean-Pierre Ramsay, fondateur et directeur de la maison du même nom, imagine créer une collection de livres écrits par des auteurs contemporains dont chaque titre s’inspirerait de chefs-d’œuvre du passé. Ainsi, à titre d’exemple, propose-t-il d’abord au regretté Bertrand Poirot-Delpech de « relire » La Dame aux camélias. Puis il se tourne vers Régine Deforges, la « grande scandaleuse » des lettres françaises, moins pour son œuvre il est vrai, lue et connue d’un cénacle encore relativement restreint, que pour son travail d’éditrice, notamment auprès de celui qui a longtemps été son compagnon, Jean-Jacques Pauvert.