«Retourné dans la vie civile après vingt-et-un ans dans l’armée, une courte expérience en start-up puis l’envoi de 200 CV sans aucune réponse, je me demandais ce qui n’allait pas. » Cédric B., 46 ans, habitant en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, est un ancien commando marine et ancien nageur de combat de l’armée française.
En 2018, « déçu de l’armée » et avec « l’envie d’autre chose », il quitte l’institution pour rejoindre une connaissance dans une start-up spécialisée dans la décompression sous-marine. « Il y avait beaucoup d’ambition… mais pas beaucoup d’argent, et encore moins de vision commerciale », résume-t-il. L’affaire tourne court. A bout de sept mois, un licenciement et l’impression « d’arriver en plein désert ». Pour Cédric, une question devient lancinante au fil des mois : « Qu’est-ce que je sais faire dans le monde civil ? ».
Environ 26.000 départs chaque année
Pour une grande majorité des militaires, vient le jour du retour à la vie civile après un, deux, dix ou vingt ans dans les armées françaises. Chaque année, quelque 26.000 militaires, sur un effectif total d’un peu plus de 200.000, quittent les rangs pour entamer une nouvelle vie professionnelle.
Pour les accompagner dans cette période de transition, il existe Défense mobilité, le service de reconversion des militaires du ministère des armées, ou encore des cabinets comme Pépite. « Le profil des militaires qui passent chez nous, c’est la trentaine d’années, dont une dizaine dans l’armée », résume Clément Têtu, fondateur du cabinet de recrutement. Selon cet ancien des forces spéciales, les entreprises ont tout à gagner à recruter des militaires, des personnes aux « nombreuses qualités, que ce soit le travail bien fait, la conscience professionnelle, la gestion du stress ou la rigueur ». Mais qui ont aussi deux défauts : « ils ne savent pas se vendre ! Et ils n’ont pas connaissance de l’étendue des métiers dans lesquels leurs compétences sont recherchées », sourit Clément Têtu. A lui et son équipe d’accompagner, de « vulgariser » des CV aux compétences parfois hyperspécialisées, d’entraîner les candidats aux entretiens, ou encore les aiguillonner vers des secteurs et des entreprises prêtes à reconnaître leur potentiel.
Du renseignement aux services d’aide à la personne
Selon Clément Têtu, les militaires suivis par son cabinet se reconvertissent majoritairement vers la logistique et les transports, l’industrie, puis la sécurité privée. Et parfois dans des secteurs qui paraissent très éloignés de la vie en uniforme. « Chez Pépite, on m’a ouvert les chakras, et j’ai fait un virage à 180° degrés professionnellement », raconte Kilian, 37 ans, dont dix-huit ans dans l’armée, essentiellement dans le renseignement.
Depuis trois ans, l’ancien militaire manage une équipe d’une dizaine de personnes dans une agence de services d’aide à la personne à Paris. « J’ai découvert la partie commerciale ou le recrutement. Mais au quotidien, je mets en œuvre des choses apprises à l’armée comme la gestion des coups de chaud, avec le remplacement de personnels à la dernière minute, mais aussi la disponibilité, ou l’envie de faire un bon travail pour que les bénéficiaires aient un service de qualité », liste-t-il.
« Prenez le temps de la formation »
Pour Cédric, l’ancien nageur de combat, son passage chez Pépite est aussi le temps de la révélation. Après son expérience en start-up puis dans un centre de plongée, il contacte le cabinet. « On a eu de grosses discussions. Ils m’ont aidé à civiliser mon CV. Et fait découvrir un secteur auquel je ne pensais pas du tout : la logistique ». L’ancien militaire est recruté peu après pour diriger un site avec 120 personnes au plus fort de l’activité. Ses compétences en coordination, gestion d’équipe et de logique sont rapidement reconnues.
Après deux ans, puis une courte expérience dans une compagnie d’exploration maritime, l’ancien militaire s’apprête à rejoindre en août la direction d’un site de valorisation des déchets. Quant à Kilian, le trentenaire souhaite se former encore un à deux ans dans son entreprise avant de voguer vers de nouveaux horizons. Pour les militaires qui aujourd’hui pensent à la reconversion, il conseille : « Prenez le temps de la formation plutôt que rejoindre un emploi dès la résiliation du contrat d’engagement. Faites les choses pour vous ! »