A en croire une publication visionnée plus de 650.000 fois sur X, il s’agirait d’une « nouvelle escroquerie caritative », « la vérité sur les centres de dons de la Croix-Rouge ». La source de cette prétendue révélation ? La vidéo d’un créateur de contenu allemand, qui a eu l’idée de dissimuler un traceur GPS dans une paire de chaussures, avant de la placer dans un conteneur de la Croix Rouge bavaroise et de suivre son trajet.

La vidéo d'un internaute allemand est devenue virale sur les réseaux sociaux. La vidéo d’un internaute allemand est devenue virale sur les réseaux sociaux.  - Capture d’écran

Comme le montre sa vidéo, devenue extrêmement virale et dépassant les frontières de l’Internet allemand, ces dernières passent par Zagreb, en Croatie, pour finir mises en vente dans une boutique de seconde main en Bosnie-Herzégovine. « Il s’avère que les vêtements ne sont pas distribués gratuitement aux personnes dans le besoin. Ils sont vendus dans des magasins de détail », commente la publication qui partage la vidéo sous titrée en français.

Une partie des vêtements est effectivement revendue

Il n’y a pas de raison particulière de penser que la vidéo est truquée. Pour autant, la Croix-Rouge allemande a elle-même communiqué sur l’utilisation des vêtements récoltés. « Il existe deux modèles de recyclage différents », explique l’organisation sur son site Internet. « Avec le  »modèle de récupération », l’intégralité du contenu du conteneur est vendue à une entreprise. Les bénéfices de cette vente sont reversés aux missions statutaires de la Croix-Rouge. Les textiles sont ensuite triés par les recycleurs en fonction de leur qualité. 45 à 65 % sont encore utilisables comme vêtements et sont exportés et vendus par les entreprises comme biens d’occasion dans différents pays. » Le reste des vêtements récoltés est soit trié puis vendu dans les boutiques de l’association, soit utilisés « à des fins thermiques » ou bien transformés en matériaux isolants ou en chiffon.

Devant à la viralité de la vidéo, la Croix-Rouge bavaroise a par ailleurs réagi en dans une vidéo sur TikTok. « Il est vrai qu’une grande partie des vêtements ici en Allemagne, et aussi en Bavière par exemple, ne sont pas nécessaires ou leur qualité n’est pas suffisante pour être réutilisés », communique l’organisme, qui réexplique pourquoi une partie se retrouve dans des boutiques à l’étranger. « La Croix-Rouge reçoit bien sûr de l’argent pour cela. […] Et cet argent peut par exemple être utilisé ici pour aider les sans-abri, pour nos banques alimentaires ou dans les vestiaires et dans de nombreux autres domaines où la Croix-Rouge est active », peut-on traduire de la vidéo. Le tiktokeur allemand a d’ailleurs dans un premier temps publié une seconde vidéo, reconnaissant qu’il n’était pas au courant de ce procédé, et reprenant les éléments d’explication de l’organisation. Il l’a aujourd’hui supprimée, tout comme la vidéo originale.

Des vêtements collectés en France se retrouvent aussi à l’étranger

Interrogée sur son fonctionnement, la Croix-Rouge française renvoie quant à elle vers une page de son site Internet. L’association y indique faire face à des « productions industrielles qui dépassent nos capacités de traitement logistique ». « Ce fonctionnement artisanal ne permet pas à nos bénévoles de trier l’intégralité de vos dons dont une partie est mise de côté et récupérée par des recycleurs trieurs agréés Refashion [société en charge de « la prévention et la gestion de la fin de vie des textiles d’habillement » en France], à un prix allant de 40 à 130 euros la tonne. L’autre partie non conforme (tachée, déchirée etc) triée par nos soins est également donnée en vue d’être recyclée par des organismes agréés. »

Seuls les vêtements sans défauts et en bon état sont directement vendus dans les boutiques de la Croix-Rouge, ou donnés. L’article de la Croix-Rouge est un « complément d’informations » à l’émission « Sur le front » diffusé sur France 5 en 2021, consacré au business de la seconde main. La Croix-Rouge y assure « nous n’avons jamais jeté dans la nature les vêtements qui nous sont donnés. Nous ne revendons pas non plus les dons textiles en Afrique ou ailleurs. »

Le documentaire présenté par le journaliste Hugo Clément révélait que seuls 3 % des vêtements collectés en France (notamment par la Croix-Rouge) étaient redistribués dans le pays, tandis qu’une importante partie était revendue à des industriels, envoyés dans des centres de tri puis exporté à l’international, notamment en Afrique. L’émission montrait que, là aussi, en raison d’un volume d’importation trop important, de vêtements trop dégradés ou non adaptés au climat local, une grande partie finissait dans des décharges sauvages, comme le racontait le journaliste dans une newsletter. Sur son site Internet, Refashion faisait savoir que 90 % des pièces réutilisables étaient exportées à l’étranger pour y être revendues, alors que les conteneurs de recyclage de vêtements tendent peu à peu à disparaître, devant la quantité trop importante de textiles donnés.