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Antonio Tajani, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères italien, a suscité la controverse après la publication, le dimanche 29 juin, d’un message sur X dans lequel il aborde les origines du drapeau de l’Union européenne.

Pour marquer les 40 ans de son adoption officielle comme un emblème de l’UE, Antonio Tajani a décrit le drapeau comme étant « bleu comme le manteau de la Madone, avec les 12 étoiles des tribus d’Israël disposées en cercle ». « Un symbole de nos valeurs de liberté, de nos racines judéo-chrétiennes », a-t-il ajouté.

Cette sortie a suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux, les internautes soulignant que l’UE elle-même décrit le drapeau comme représentant « les valeurs et l’identité commune de millions d’Européens unis dans leur diversité » et comme un « symbole d’unité, de démocratie et de paix ».

Mais ce n’est pas la première fois qu’Antonio Tajani tente de répandre cette fake news. Euroverify a détecté deux autres posts sur X, en 2013 et 2021, dans lesquels il réalise les mêmes associations avec le manteau de la Madone et les tribus israéliennes.

Deux historiens ont affirmé à Euroverify que l’interprétation du ministre italien était « essentiellement incorrecte ».

Les propositions religieuses écartées

Pour comprendre les origines de ce drapeau, il faut remonter jusqu’aux années 1950. À cette époque, le Conseil de l’Europe – organisation de défense des droits de l’Homme basée à Strasbourg comprenant 46 États membres mais n’étant pas une institution de l’UE – commence à examiner des dizaines de propositions de drapeau.

Ces dernières ont été conservées et sont archivées sur le site web du Conseil de l’Europe, qui précise que plusieurs projets ont été rejetés en raison de leur connotation religieuse, notamment celles faisant directement référence à la Vierge Marie. « Ces propositions ont été mises de côté pour que le drapeau reste laïc », peut-on lire sur le site web.

Le Conseil de l’Europe a finalement retenu deux options, dont le drapeau avec un cercle de douze étoiles jaunes sur fond bleu, proposé par un membre du personnel nommé Arsène Heitz. C’est finalement cette dernière qui a été adoptée, en 1955, par le Comité du Conseil de l’Europe.

Trois décennies plus tard, en 1983, le Parlement européen propose ce même drapeau comme symbole des Communautés européennes, ancêtre de l’Union européenne. Il sera officiellement adopté deux ans plus tard, en 1985.

Aucune connotation religieuse officielle

Piero Graglia, professeur d’histoire des relations internationales à l’université de Milan, a assuré à Euroverify que l’interprétation du drapeau par Antonio Tajani était « incorrecte ».

Le nombre d’étoiles a été choisi car ce nombre représente la « perfection » et pour sa signification symbolique plus large dans la culture européenne, a-t-il expliqué, ajoutant que le nombre est symbolique dans la philosophie de la Grèce antique, les mathématiques, ainsi que la mythologie. Une explication également avancée sur le site du Conseil de l’Europe.

« Le Conseil de l’Europe, lorsqu’il a adopté le drapeau, a déclaré que le bleu était un symbole du ciel occidental au coucher du soleil et que les douze étoiles représentaient la perfection. C’est la seule interprétation acceptable », a-t-il assuré.

Le site officiel de l’Union européenne décrit ce cercle d’étoiles d’or sur fond bleu comme représentant les « idéaux d’unité, de solidarité et d’harmonie entre les peuples d’Europe ». Il n’y a donc aucune référence au symbolisme religieux.

Pourtant, bien que le Conseil de l’Europe ait déclaré avoir écarté des propositions de drapeaux en raison de leurs connotations religieuses, l’institution fait, sur son site, une référence religieuse dans la description du drapeau. Les douze étoiles y sont décrites comme rappelant « les apôtres, les fils de Jacob, les travaux d’Hercule et les mois de l’année ».

Les fils de Jacob, troisième des patriarches du peuple juif, sont également connus sous le nom des douze tribus d’Israël, auxquelles Antonio Tajani a fait référence.

Une inspiration religieuse

Bien que le drapeau lui-même soit considéré comme laïque, son concepteur, Arsène Heitz, a cité une inspiration religieuse.

Selon le professeur Piero Graglia, il se serait inspiré de la statue de la Vierge Marie, située dans la cathédrale de Strasbourg, où vivait et travaillant Arsène Heitz.

En 2004, The Economist attribue également à Arsène Heitz une déclaration dans laquelle il dit avoir été inspiré par un verset biblique de l’Apocalypse de Jean, qui fait référence à une « femme vêtue du soleil, avec la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles ».