La Métropole du Grand Paris est devenue l’un des épicentres du marché des locations meublées touristiques en Europe. À l’image des grandes capitales mondiales comme Barcelone, Londres ou New York, Paris et sa périphérie connaissent une explosion des offres de logements de courte durée via des plateformes telles qu’Airbnb, Booking ou Abritel. Cette transformation rapide du paysage immobilier alimente une double dynamique : d’un côté, elle permet aux propriétaires de générer des revenus attractifs, boostant l’activité économique locale, mais de l’autre, elle accentue la crise du logement, en raréfiant l’offre pour les habitants et en contribuant à la flambée des loyers.

Un marché en pleine explosion

En 2024, le Grand Paris compte environ 70 000 logements mis en location sur des plateformes touristiques, un chiffre qui a triplé en dix ans. Rien qu’à Paris intra-muros, plus de 40 000 annonces actives sont recensées, représentant près de 60 % de l’offre totale dans la métropole.

© Apur – Évolution en valeur absolue du nombre d’annonces disponibles dans la Métropole du Grand Paris

Les quartiers les plus prisés sont ceux du centre historique, où le phénomène a pris une ampleur considérable. À eux seuls, les 3e, 4e et 6e arrondissements comptent plus de 10 000 logements en location touristique. Dans certains secteurs comme le Marais ou Saint-Michel, plus de 20 % des logements disponibles sont aujourd’hui loués en meublé touristique, réduisant d’autant l’offre pour les résidents.

La tendance ne se limite plus à Paris intra-muros. Des communes comme Montreuil, Saint-Ouen, Clichy et Issy-les-Moulineaux voient également une explosion du nombre d’annonces, séduisant des voyageurs en quête d’alternatives plus abordables aux hôtels parisiens.

Des conséquences directes sur l’accès au logement

Si ces locations génèrent des profits significatifs pour les propriétaires – les loyers pouvant atteindre 3 000 à 4 000 euros par mois pour un appartement bien situé, contre 1 500 euros en location classique –, elles contribuent à une raréfaction des biens destinés aux résidents permanents.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Le prix moyen du loyer parisien a atteint 30,10 €/m² en 2024, contre 27,80 €/m² en 2019, soit une hausse de plus de 8 % en cinq ans.

  • Dans les quartiers très prisés, notamment au Marais et aux Abbesses, les loyers dépassent désormais 40 €/m².

  • En petite couronne, les tensions locatives sont exacerbées : à Saint-Ouen, Montreuil ou Issy-les-Moulineaux, les prix ont augmenté de 15 à 20 % en cinq ans.

© Apur – Évolution du prix moyen des logements entiers disponibles sur le site Airbnb à Paris et dans le reste de la Métropole

Cette situation inquiète les associations de défense du logement, qui dénoncent une transformation progressive du marché immobilier parisien en une « ville vitrine » tournée vers le tourisme au détriment des habitants.

Une régulation renforcée mais encore insuffisante

Face à l’ampleur du phénomène, les autorités locales tentent de freiner l’expansion des locations touristiques. Depuis plusieurs années, la mairie de Paris applique des mesures strictes :

  • Limitation à 120 jours par an pour les locations d’une résidence principale.

  • Obligation pour les propriétaires de déclarer leur logement et d’obtenir un numéro d’enregistrement.

  • Pour les résidences secondaires, nécessité d’une autorisation de changement d’usage, difficile à obtenir.

Ces règles sont renforcées par un contrôle accru : en 2023, plus de 5 millions d’euros d’amendes ont été infligés aux propriétaires en infraction. Airbnb et d’autres plateformes sont également tenues de transmettre à la municipalité des données sur les locations actives, afin de lutter contre les abus.

Malgré ces mesures, certains estiment que la réglementation reste insuffisante. La mairie de Paris milite pour une limitation plus drastique du nombre de locations par propriétaire, ainsi que pour une taxation accrue des revenus issus des locations touristiques.

L’après-JO 2024 comme un test

L’année 2024 marque un tournant pour les locations meublées touristiques en Île-de-France, notamment avec la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris. Cet événement mondial va entraîner une demande exceptionnelle en hébergements temporaires, ce qui risque d’aggraver encore la tension sur le marché.

Certains propriétaires anticipent déjà cette période pour maximiser leurs revenus :

  • Le prix moyen d’une nuitée Airbnb en juillet-août 2024 est estimé à 250 € à Paris, avec des pics dépassant les 500 € pour des logements bien situés.
    Dans les villes proches des sites olympiques (Saint-Denis, Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt), les locations saisonnières devraient exploser de 50 à 100 % pendant la période des Jeux.

Face à cet afflux, les autorités locales promettent des contrôles renforcés et une amende accrue pour les propriétaires en infraction. L’après-JO 2024 est un test crucial pour voir si la régulation du marché parviendra à reprendre le dessus sur la flambée des locations touristiques.

Un équilibre à trouver

Les locations meublées touristiques restent un atout économique indéniable pour la Métropole du Grand Paris, participant à la vitalité du secteur touristique et offrant une alternative aux hôtels. Toutefois, leur impact sur l’accès au logement et le coût de la vie pousse les pouvoirs publics à agir pour préserver un équilibre.

Faut-il aller plus loin dans les restrictions ? Faut-il encourager la location de courte durée en dehors des centres-villes ? Les mois à venir seront décisifs pour répondre à ces questions, alors que Paris tente de concilier son statut de capitale touristique et de ville où il reste possible de se loger.