Les fans l’attendaient de pied ferme : Black Mirror est de retour sur Netflix depuis ce jeudi 10 avril. La série britannique dystopique signe sa septième saison, riche de six épisodes ancrés dans la satire aussi bien high-tech qu’humaine. Certains sont résolument dérangeants, d’autres plus émouvants. Après deux dernières saisons en demi-teinte et moins incisives, cette nouvelle salve retrouve un peu des couleurs d’origine : les faiblesses et immoralités de l’être humain côtoient une technologie toujours plus intrusive et débridée.
Une véritable claque « presque vintage »
À l’occasion de cette sortie, son créateur Charlie Brooker est venu se confier sur la genèse de cette série, qui a profondément marqué le genre, dans une master classe au festival Série Mania à Lille (Nord), fin mars. Avant de basculer sur Netflix en 2016 (à la troisième saison), Black Mirror est lancée en 2011 avec une première saison fracassante sur la chaîne britannique Channel 4 .
Elle y dépeignait les dérives d’un monde dystopique, à la fois lointain et probable, gouverné par la technologie, la téléréalité, les réseaux sociaux, les drones, les caméras… À l’époque, une véritable claque pour les téléspectateurs.
« Quand je repense à la première saison, c’est presque vintage ! C’était il y a quatorze ans, soit l’équivalent d’un millier d’années en termes de technologie et de télévision », plaisante Charlie Brooker.
Une exagération bien sûr, mais un fond de vérité : la technologie avance très vite, en même temps que son impact sur nos sociétés. L’avènement de l’intelligence artificielle dans notre quotidien en témoigne. Comment la série d’anticipation peut alors continuer d’être en avance sur son temps, d’être percutante, si le réel la devance ?
« Dans notre vie, nous sommes beaucoup plus saturés de technologie aujourd’hui qu’au tout début de la série. C’est utile pour l’écriture, car il y a beaucoup plus de choses bizarres réelles qui peuvent inspirer des épisodes, explique Charlie Brooker. Mais le public est aussi plus informé sur le sujet. Des choses qui paraissaient invraisemblables il y a encore quelques années paraissent beaucoup plus crédibles. »
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« J’espère bien qu’on aura toujours besoin de l’humain »
De quoi être un carburant pour sa créativité. « Je viens de la comédie à la base, où on extrapole, on exagère, on va dans l’extrême. Je pense à quelque chose, et je rigole en me demandant : « Est-ce que ce ne serait pas affreux si ça dégénérait de telle manière ? Comment ça pourrait mal tourner, quelle chose égoïste pourrait faire tel personnage, quelle faiblesse humaine on pourrait exploiter pour l’intrigue ? » C’est un concept très Black Mirror , explique l’auteur, à l’humour noir caractéristique. Et les technologies inventées pour la série doivent toujours avoir ce côté potentiellement utile dans la vraie vie. »
Ses inspirations initiales pour la série lui viennent aussi de la télévision avec laquelle il a grandi, comme la série américaine des années 1960 La quatrième dimension, mais aussi « des films de science-fiction en général, et les Mython Python », le célèbre collectif d’humoristes anglais. Le créateur l’avoue aussi : « Je suis quelqu’un d’anxieux. Il y a presque un côté thérapeutique pour moi dans cette série. »
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Pour autant, l’ancien journaliste du Guardian n’est pas résolument anti-technologie. « Je la vois comme un outil utile pour les créateurs, comme Photoshop par exemple. Mais j’espère bien qu’on aura toujours besoin de l’humain. L’art, au fond, c’est un humain qui communique avec d’autres humains. Si on l’enlève de l’équation, que reste-t-il ? »
Le créateur de Black Mirror se montre plus circonspect, finalement, au sujet de l’utilisation que font ses congénères humains de cette technologie. « On a inventé les smartphones, on peut communiquer beaucoup plus facilement entre nous, avoir accès à tout le savoir du monde… Ou bien regarder une vidéo créée par l’intelligence artificielle d’un chien qui fait ses besoins, ironise Charlie Brooker. On vit dans un présent dystopique. Ça a toujours été un peu le cas, malheureusement. À travers les âges, on retrouve les traces d’écrits de gens qui imaginaient que la fin du monde était proche… »