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Le commissaire européen en charge du Commerce, Maroš Šefčovič, a présenté aux ministres européens du Commerce réunis lundi à Bruxelles pour une réunion extraordinaire une liste de produits américains d’une valeur de 72 milliards d’euros à inclure dans une campagne de rétorsion tarifaire, alors que la pression américaine s’est intensifiée au cours du week-end avec la menace de droits de douane de 30 % sur les importations de l’UE à partir du 1er août.
« Nous devons être prêts à toutes les issues, y compris, si nécessaire, à des mesures proportionnées bien réfléchies pour rétablir l’équilibre dans notre relation transatlantique », a précisé Maroš Šefčovič, ajoutant : « aujourd’hui, la Commission partage avec les États membres la proposition relative à la deuxième liste de marchandises, représentant quelque 72 milliards d’euros d’importations américaines. Ils auront maintenant l’occasion d’en discuter. »
La liste proposée par la Commission doit encore être adoptée officiellement par les États membres. Elle vise un large éventail de produits, dont les avions américains et le bourbon.
Le 12 juillet, après des semaines de négociations, le président américain Donald Trump a publié sur le réseau Truth Social une lettre envoyée à la Commission, menaçant d’imposer des droits de douane de 30 % sur les importations de l’UE si aucun accord n’était conclu d’ici le 1er août.
La semaine dernière, les négociations semblaient être entrées dans la dernière ligne droite, l’UE ayant accepté à contrecœur un tarif de base de 10 % sur ses produits. Des exemptions sectorielles devaient encore être négociées, l’UE ayant réussi à obtenir 0 % sur les avions et les spiritueux et certains droits de douane américains dépassant de peu les 10 % sur les produits agricoles.
« Nous étions très proches d’un accord de principe », a regretté Lars Løkke Rasmussen, ministre danois des Affaires étrangères.
Les États-Unis imposent actuellement des droits de douane de 50 % sur l’acier et l’aluminium de l’UE, de 25 % sur les voitures et de 10 % sur toutes les importations de l’UE.
Selon un diplomate européen, les représailles de l’UE pourraient également inclure des contrôles à l’exportation sur les déchets d’aluminium, dont les États-Unis ont besoin.
Mais si l’UE montre ses muscles, elle continue de donner la priorité à la négociation.
« Nous restons convaincus que notre relation transatlantique mérite une solution négociée, qui mène à une stabilité et une coopération renouvelées « , a insisté Maroš Šefčovič avant d’annoncer qu’il avait un appel prévu avec ses homologues américains lundi en fin d’après-midi.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé dimanche (13 juillet) un report de la mise en œuvre d’une première série de mesures de rétorsion visant 21 milliards d’euros de produits américains, qui avait été suspendue jusqu’au 15 juillet.
Selon le même diplomate européen, une réunion des ambassadeurs de l’UE avait initialement décidé de la reporter à la fin de l’année, mais les nouvelles annonces de Donald Trump ont rendu ces contre-mesures plus urgentes. Elles ont donc été reportées au 1er août.
Instrument de lutte contre la coercition
Derrière la démonstration d’unité affichée lundi par les États membres, les diplomates sont toutefois bien conscients que des complications surviendront une fois qu’un accord avec les États-Unis sera sur la table.
« Soyons réalistes, nous aurons tous des interprétations différentes », a déclaré un fonctionnaire d’un Etat membre à Euronews, admettant qu’une fois l’accord conclu, certains pays pousseront à des représailles fortes tandis que d’autres voudront éviter l’escalade, en fonction de leurs secteurs stratégiques les plus touchés par les Etats-Unis.
La France continue de prôner une ligne dure à l’égard des États-Unis, désireuse de mettre sur la table tous les outils à la disposition de l’UE, y compris l’utilisation de l’instrument anti-coercition, l' »option nucléaire » de la défense commerciale de l’UE, adoptée en 2023.
« Cette pression, délibérément exercée par le président américain ces derniers jours et semaines, met à rude épreuve notre capacité de négociation et doit nous conduire à montrer que l’Europe est une puissance », a expliqué le ministre français délégué au Commerce, Laurent Saint-Martin, à son arrivée au Conseil, ajoutant : « l’Europe est une puissance lorsqu’elle sait démontrer sa capacité de réaction ».
« Les Etats-Unis dominent l’escalade », a constaté un second diplomate européen à Euronews.
Dimanche, la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, a exclu l’utilisation de l’instrument anti-coercition pour le moment.
Cet outil a été mis en place « pour des situations extraordinaires », a-t-elle déclaré, ajoutant que « nous n’en sommes pas encore là ».
Cet instrument permettrait à l’UE de retirer des licences et des droits de propriété intellectuelle à des entreprises étrangères, dont des géants américains de la technologie.