«Si ça continue comme ça, on ne passera pas l’été. Si rien n’est fait, tout ce qu’on a construit depuis quarante ans va disparaître. » Pascal Milleville est le directeur régional du Relais en Bretagne. Cette entreprise à but socio-économique est bien connue du grand public pour sa collecte de vêtements réalisée dans des conteneurs blancs implantés aux quatre coins du pays. Le Relais, c’est 2.000 emplois et plus de la moitié des vêtements collectés en France. L’an dernier, elle a récupéré 270.000 tonnes de fringues en plus ou moins bon état pour tenter de les valoriser. Mais elle n’y arrive plus et accuse directement Refashion.
Cet éco-organisme est chargé de financer une partie de la collecte sur le principe du « pollueur-payeur ». La contribution de 156 euros la tonne ne suffit plus et la filière demande 304 euros la tonne pour maintenir ses activités. Refashion refuse et assure avoir « formulé une proposition d’aide d’urgence revalorisée à 192 euros la tonne ». Insuffisant. Le Relais a donc stoppé sa collecte.
Les collectivités appellent les habitants à cesser de remplir de vêtements les conteneurs jusqu’à nouvel ordre. « Si les bornes Le Relais restent physiquement en place, elles ne sont pas utilisables actuellement. Les habitants sont donc invités à ne plus déposer leurs textiles, linges et chaussures et à les conserver à leur domicile en attendant qu’une solution permettant la collecte, le tri et la valorisation des textiles soit trouvée », explique Rennes métropole. Jusqu’à quand ? « Le moins longtemps possible, on l’espère. »
Un centime de plus par article
En pétard contre cette négociation qui n’avance pas, les antennes régionales du Relais ont mené de nombreuses actions mardi, déversant des tonnes de vêtements devant des enseignes comme Kiabi ou Decathlon, qui siègent au conseil d’administration de Refashion. Elles ne sont pas les seules. L’éco-organisme compte parmi ses associés des géants comme LVMH, Beaumanoir, Celio, H&M et de la grande distribution comme Auchan, Carrefour ou Super U. Du lourd.
« Ça fait un an qu’on les alerte de la situation. Leur niveau de contribution est beaucoup trop faible et nous, on tire la langue. On a fait le travail, développé nos collectes, trouvé des débouchés et même créé nos propres produits comme l’isolant Métisse. Mais là, on ne peut plus », assure Pascal Milleville.
Le directeur régional critique notamment les « 200 millions d’euros de trésorerie » amassés par l’éco-organisme. « Ce que l’on demande, c’est un centime de plus par article. C’est à peine 15 % de leur trésorerie », assure le patron du Relais breton.
Des tonnes de vêtements ont été déposés devant les magasins Kiabi et Decathlon par des salariés de l’entreprise sociale Le Relais. - Le Relais
Une affirmation récusée par Refashion. Dans un communiqué, l’éco-organisme ne nie pas la bonne santé de sa trésorerie. Mais elle assure que cette somme « sécurise les soutiens pluriannuels aux différentes parties prenantes » et vise à « accompagner l’évolution des modèles vers plus de recyclage et de proximité ». Mais quel modèle ? D’après les structures d’économie sociale et solidaire, c’est aujourd’hui la fast-fashion qui est l’une des responsables de ses difficultés.
Des tonnes de vêtements balancés chaque année
Avec leurs vêtements jetables, les enseignes comme Shein ou H&M viennent encombrer les conteneurs. « Cette année, on mettra 850.000 tonnes de vêtements sur le marché français. C’est 200.000 tonnes de plus qu’il y a cinq ans. Est-ce qu’on a besoin de ça ? », interroge Pascal Milleville. La réponse est non. Selon une étude de l’Ademe, la moitié de nos vêtements ne sont jamais portés.
Du côté de l’éco-organisme, on blâme davantage la « brusque chute des cours à l’export des textiles usagés triés, en Afrique majoritairement » pour expliquer la crise. Le Relais envoie 25 à 30 % de ses textiles vers des pays africains comme le Sénégal, Madagascar ou le Burkina Faso. Une pratique parfois critiquée et qui commence à montrer ses limites. Mais qui ne devrait pas remettre en cause toute une filière.