On pourrait croire à première vue à un simple amas de bois desséché, de pierres ébréchées, et de fragments de cuir brunis par le temps. Pourtant, ces éléments retrouvés dans un abri rocheux du sud-ouest texan composent ce que certains chercheurs considèrent déjà comme l’un des ensembles archéologiques les plus précieux jamais exhumés sur le continent nord-américain.
C’est au fond de la grotte de San Esteban, à quelques kilomètres au sud de Marfa, que les équipes du Center for Big Bend Studies, en partenariat avec l’université du Kansas, ont mis au jour les restes — remarquablement bien conservés — d’un kit de chasse datant d’environ 6 000 ans. Un équipement au complet : boomerang, atlat (une sorte de lance-pierre préhistorique), extrémités d’encoches de fléchettes et une peau d’Antilope d’Amérique, pliée avec soin, encore couverte de poils. Au premier abord, ces quelques objets ne sont pas impressionnants, mais tout comme ce qui a été découvert à Malte il y a quelques jours, leur poids historique est faramineux.
Un moment banal, mais un impact scientifique considérable
Ce qui frappe dans cette découverte, ce n’est pas tant la rareté des objets que leur agencement. Tout indique qu’un individu a fait halte dans cette grotte pour trier, réparer, peut-être réassembler son équipement avant de repartir. Un feu de camp a été allumé, des composants ont été inspectés, quelques-uns mis de côté. Pas de traces de rituel étrange, aucune tombe ou cimetière préhistorique, juste un moment de vie quotidienne ; c’est justement ce qui lui donne toute sa portée.
« Quelqu’un est arrivé au fond de la grotte et a passé en revue son matériel de chasse, élément par élément : “Ça, c’est bon. Ça, ça ne va pas. Il faut que je retouche un peu cette sacoche en cuir.” Et puis, la personne est repartie. Mais cette simple action pourrait bien avoir des répercussions considérables sur notre compréhension d’un large éventail de sujets, notamment l’environnement », raconte Bryon Schroeder, directeur du CBBS. Un geste a priori anodin, certainement répété des dizaines de milliers de fois par nos ancêtres, qui s’est retrouvé figé, préservé dans son intégralité.
Il poursuit : « Si cet ensemble est réellement de la même époque, c’est une trouvaille absolument capitale. On peut se servir du bois pour reconstituer l’environnement et mieux comprendre le temps qu’ils ont consacré à la fabrication de leurs outils ». C’est un peu comme trouver un squelette fossilisé complet dans sa couche géologique d’origine, plutôt que des os épars.
Pour les chercheurs, cette trouvaille dépasse le simple intérêt typologique : elle montre un usage maîtrisé des outils, une gestion de l’équipement sur le terrain, une capacité d’adaptation aux contraintes du déplacement et du climat.
Éléments retrouvés dans la grotte ; l’état de conservation est exceptionnel. © Robert Greeson Pourquoi cette grotte pourrait redistribuer les cartes du récit historique
En révélant une occupation humaine plus structurée et technologiquement plus avancée que ce qu’on supposait pour cette période et cette zone, cette découverte rentre en tension avec certaines chronologies dominantes. Jusqu’ici, les premières populations du sud-ouest nord-américain étaient surtout associées à des objets lithiques dispersés, difficilement datables et rarement rattachés à des gestes concrets. Or, ce site offre un contexte, un usage, un moment.
Ce qu’a offert la grotte de San Esteban, c’est une forme de continuité technique et d’intentionnalité dans l’usage des outils que l’on n’avait jamais pu documenter avec autant de clarté pour cette époque. Cela suppose des savoir-faire transmis, des matériaux sélectionnés, et surtout, une organisation du travail que l’archéologie ne parvient que rarement à saisir aussi nettement.
Comme le souligne Devin Pettigrew (professeur adjoint d’anthropologie à l’Université d’État Sul Ross et expert en armes anciennes) même si certaines pièces manquent encore pour reconstituer l’ensemble exact de l’atlat, les éléments retrouvés suffisent déjà à comprendre la logique du système.
L’équipe s’apprête maintenant à analyser en détail les matériaux organiques retrouvés : bois, cuir, restes alimentaires, excréments humains. Ces éléments, souvent détruits par le temps, sont ici préservés, ce qui pourrait permettre d’affiner la datation, de reconstituer l’environnement, voire d’obtenir des données génétiques sur les occupants du site. Comme en paléontologie, l’ADN ancien est une mine d’informations très riche : origines, migrations, structures sociales, régimes alimentaires et santé des populations humaines passées. Pour déverrouiller les secrets de notre histoire biologique et culturelle, c’est l’une des clés les plus fiables.
- Des archéologues ont découvert un ensemble d’objets de chasse exceptionnellement bien conservé dans une grotte texane, datant de 6 000 ans.
- L’agencement des pièces révèle une maîtrise technique et une organisation qui bousculent la chronologie admise du peuplement nord-américain.
- L’état de préservation exceptionnel a fourni des indices rares sur le mode de vie, les pratiques et l’environnement des premiers habitants du continent.
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