« Pourquoi la gigafactory de Symbio est attendue comme le messie de l’hydrogène ? » Tel était le titre de notre journal, en décembre 2023, à la veille de l’inauguration en grande pompe de cette usine de Saint-Fons, l’un des plus grands sites de piles à combustible en Europe. Ministres et élus locaux se pressaient pour découvrir SymphonHy, le vaisseau amiral de Symbio, fruit de l’association entre deux géants, Michelin et Forvia Faurecia.
Le site, gigantesque (26 000 m2 à l’inauguration, 40 000 à terme), accueillant 350 à 400 personnes, représentant un investissement massif (1 milliard d’euros) était brandi comme un joyau de l’innovation à la française et devait atteindre une production de 50 000 systèmes par an en 2026.
« Absence de perspectives »
Mais tout a changé radicalement ce 16 juillet 2025 avec l’immense coup de froid de Stellantis, partenaire du site. Le groupe automobile mondial a annoncé mettre fin à son programme de développement dans l’hydrogène et à son offre pionnière de véhicules utilitaires équipés de piles à combustible. Pourquoi ? Stellantis avance dans un communiqué « l’absence de perspectives à moyen terme pour le marché de l’hydrogène ».
Cet arrêt met donc surtout en péril l’avenir de Symbio, la coentreprise de Stellantis avec Michelin et l‘équipementier Forvia, et donc de la gigafactory de Saint-Fons. Informée en mai, la direction de Michelin a condamné mercredi une « décision inattendue, brutale et non concertée », « d’autant plus surprenante que Stellantis a toujours affiché l’ambition d’être le pionnier de ce nouveau marché ».
80 % de l’activité de l’usine
Stellantis représente près de 80 % du volume d’activité de Symbio et l’effet de cet arrêt prévu en 2026 pourrait donc être dévastateur. « La décision de Stellantis aura des conséquences opérationnelles et financières irréversibles pour Symbio », explique Michelin et Forvia dans un communiqué, se disant aussi « préoccupés par l’impact sur les 590 salariés de Symbio en France et les 50 salariés à l’étranger ». Stellantis a indiqué avoir « engagé des discussions » avec ses partenaires tandis que Michelin et Forvia assurent être « en contact étroit avec les pouvoirs publics ». Contacté, le président de la Métropole de Lyon n’a pas souhaité réagir dans l’immédiat.
C’est un nouveau signal funeste pour l’hydrogène dans les transports, alors qu’une partie de l’industrie automobile – et des Etats européens comme la France – tentaient depuis quelques années d’en faire une alternative aux grosses batteries des véhicules électriques. Par rapport aux utilitaires électriques, qui commencent à se multiplier dans les villes, les véhicules à hydrogène ont une durée de recharge courte et une autonomie longue, proche du diesel, des avantages recherchés par les entreprises de logistique comme les collectivités locales. Ils ont aussi besoin de plus petites batteries, et donc de moins de matières premières.
« Un segment de niche »
Mais les modèles à hydrogène restent très chers à l’achat, autour d’une centaine de milliers d’euros l’unité, et les stations de recharge, coûteuses à installer, sont rares. « Le marché de l’hydrogène demeure un segment de niche, sans perspectives de rentabilité économique à moyen terme », a expliqué dans le communiqué Jean-Philippe Imparato, directeur de Stellantis pour l’Europe. Renault a aussi mis en liquidation début 2025 son usine d’utilitaires à hydrogène de Flins (Yvelines).
Parmi les constructeurs automobiles, seuls Toyota, Hyundai et BMW continuent d’y croire avec de petits programmes de développement et une poignée de véhicules dans les rues.
Une naissance en 2010 en Isère
Symbio a été fondée en 2010 par Fabio Ferrari à Fontaine (Isère) pour mettre en œuvre le concept consistant à adapter des systèmes d’alimentation électrique par pile à combustible à hydrogène sur des véhicules électriques standards afin de minimiser les coûts. En 2014, Michelin prend une participation minoritaire mais significative au capital de la société avant d’en acquérir l’intégralité en 2019 et d’en revendre la moitié à l‘équipementier automobile Forvia (anciennement Faurecia).
Symbio déménage sur le site Usin Lyon-Parilly à Vénissieux en 2020 avant de s’installer définitivement à SymphonHy (Saint-Fons) en septembre 2023.