Pour sa nouvelle exposition, l’artiste urbain, réalisateur et photographe JR a choisi l’ancienne église Sainte-Anne, à Montpellier, afin d’y réaliser un arbre aux mille mains. Pour cette œuvre, il « invite des gens du monde entier à venir et à participer », comme il a souvent eu l’habitude de le faire auparavant. « Il suffit juste de photocopier sa main et de l’envoyer. Vous pouvez venir et voir cet arbre gigantesque au milieu du Carré Saint-Anne. Il y a des photocopieuses mises à disposition. Vous venez, il y a des ateliers, vous prenez votre main en photocopie, ensuite vous la découpez. Ces mains forment des feuillages que les équipes du Carré Saint-Anne installent au fur et à mesure. »
L’artiste revient sur sa fresque sur le Duomo, cathédrale de Naples, en Italie, qui avait suscité quelques polémiques : « J’ai photographié à peu près 600-700 personnes en enregistrant leurs histoires, le Vatican a approuvé, puis la cathédrale a demandé à ce que cette fresque et la ville soient installées de manière temporaire. J’avais photographié des gens qui n’avaient pas de casque sur les scooters et là-bas, à Naples, les gens ne portent pas de casque dans la majorité. Je me rappelle quand j’ai quitté l’inauguration, tranquillement, un policier me dit ‘Moi, j’aime bien, mais je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas mis les casques.’ Je lui réponds : ‘Mais monsieur l’agent, vous voyez bien qu’autour de vous, personne n’a de casque.’ Qui suis-je, moi, pour dire aux gens de mettre un casque sur une image alors que je cherche à représenter au mieux la réalité ? «
JR évoque également le festival Kyotographie, à Kyoto, au Japon, et les questions que cela soulève : « Comment représenter une ville ? Comment être sûr de représenter tout le monde à travers 600 ou 1000 personnes ? C’est très difficile. On voit des sous-couches de la ville, comme toute la scène underground que j’ai pu rencontrer à Kyoto. J’ai découvert des mondes – et pourtant je vais au Japon depuis longtemps – que je n’avais pas vus. Mais quand j’y suis retourné il y a quelques mois, j’avais du mal à re-retrouver ces mondes. C’est comme si des gens sortaient d’un peu partout pour faire partie de ces fresques et ensuite retournaient dans leur bulle. Pour nous, en simple touriste, quand on passe là-bas, c’est très difficile d’accéder à ces bulles. » JR explique comment son art peut être utilisé pour lutter contre ce problème : « Les fresques, c’est vraiment l’idée de les mettre en lumière, chacun à la même taille, chacun sous la même lumière. Personne n’est plus important qu’un autre. On réalise que nous tous, ensemble, quand on se regarde, on doit vivre ensemble, et voilà la communauté dans laquelle on vit. »