Parmi les mesures d’économies annoncées par François Bayrou dans son plan pour le budget de 2026, plusieurs concernent le secteur de la santé. Le Premier ministre a notamment annoncé une réforme du statut des affections de longue durée, jugé trop généreux, en s’appuyant sur une comparaison avec le modèle allemand.
« 20 % des Français sont en affection de longue durée contre 5 % de la population allemande, a assuré François Bayrou lors de sa conférence de presse, disponible ici. Nous allons donc engager une réforme en profondeur des prises en charge de ces affections avec dès 2026 des mesures visant à sortir du remboursement à 100 % des médicaments qui sont sans lien avec l’affection déclarée […], et aussi à pousser que l’on puisse sortir du régime d’Affection longue durée lorsque l’état de santé ne le justifie plus ».
Le dispositif d’Affection Longue Durée permet aux patients atteints d’une affection dont « la gravité et/ou le caractère chronique nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » d’être de bénéficier d’un remboursement à 100 % de ses frais de santé. La liste des affections reconnues comme « de longue durée », qui comporte la maladie de Parkinson ou la mucoviscidose, est disponible sur le site de l’Assurance Maladie. L’ALD peut aussi être « non exonérante », pour lorsqu’il n’y a pas de traitement coûteux, et permettre de bénéficier d’un arrêt maladie de plus de 6 mois et de la prise en charge des transports, sous certaines conditions.
FAKE OFF
Malgré ce qu’affirme François Bayrou, l’équivalence entre le dispositif français des affections longue durée et les dispositifs de prise en charge des frais de santé allemand est loin d’être évidente. C’est ce que détaille Zeynep Or, directrice de recherche à l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) et co-autrice d’un rapport de comparaison des dépenses de santé en France et en Allemagne : « Le système ALD comme celui que nous avons en France n’existe pas en Allemagne. En France, le patient participe toujours à une partie des coûts : visites ambulatoires, hôpital… En Allemagne, il n’y a aucun co-paiement pour les visites médicales, aucun coût pour le patient, que ce soit pour un médecin généraliste ou spécialiste ».
Les patients participent en revanche au financement des médicaments prescrits, des transports et des soins dispensés par les professionnels non-médecins. « Globalement, cela correspond à 10 % du coût ou 10 € maximum par ordonnance pour les médicaments », développe Zeynep Or. Mais ces dépenses sont plafonnées pour l’ensemble de la population à 2 % des revenus annuels brut, comme l’explique le ministère de la Santé allemand. Pour les patients atteints de maladies chroniques, pour qui ces dépenses peuvent s’accumuler sur la durée, ce plafond descend à 1 %.
« Le système d’ALD n’existe pas, mais il y a en fait une protection beaucoup plus importante », constate la chercheuse, qui mentionne aussi que « les ménages peuvent bénéficier d’un allégement fiscal au titre des dépenses de santé exceptionnelles restant à leur charge ».
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Reste à savoir d’où vient ce chiffre de 5 % mentionné par François Bayrou. Contacté à ce sujet, le cabinet du Premier ministre n’a pour le moment pas donné suite. Pour Zeynep Or, il est possible que ce chiffre soit une interprétation biaisée du pourcentage de patients atteints de maladies chroniques et bénéficiant de l’exonération, car leurs dépenses ont dépassé 1 % de leur revenu. Selon une étude publiée en 2020 par l’Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé (dépendant de l’OMS), environ 7,9 % des personnes affiliées au régime de sécurité sociale allemand avaient dépassé ce plafond de 1 % en 2018, ce qui se rapproche (un peu) du chiffre donné par François Bayrou.