Le tribunal correctionnel de Nantes a condamné mercredi un médecin généraliste de 62 ans à deux ans de prison avec sursis, cinq ans d’interdiction d’exercer et 50.000 euros d’amende. En cause : la délivrance abusive de prégabaline, un antiépileptique connu sous le nom de Lyrica, détourné ces dernières années pour ses effets anxiolytiques et euphorisants.
Entre 2021 et 2023, le praticien a rédigé 541 ordonnances à destination de 106 patients, souvent à des doses largement supérieures aux recommandations médicales. Certaines prescriptions atteignaient le double de la posologie maximale, selon les conclusions de l’enquête.
Menacé par certains patients
Jugé pour escroquerie, mise en danger d’autrui et prescription non conforme d’un médicament classé comme stupéfiant, le médecin a tenté de justifier sa pratique en évoquant un contexte de forte pression. A la barre, il a assuré avoir voulu éviter un sevrage brutal, « susceptible d’entraîner des crises convulsives ». Il a aussi affirmé avoir été menacé par certains patients.
Lors de l’enquête, plusieurs patients ont décrit un usage addictif de la prégabaline et expliqué avoir entendu parler du praticien par le bouche-à-oreille. Déjà épinglé en 2011 et 2017 par le conseil de l’Ordre pour des prescriptions problématiques d’opioïdes et de traitements de substitution à l’héroïne, le médecin avait été identifié fin 2023 par la CPAM comme le plus gros prescripteur de prégabaline de la région.
Un médicament dans le collimateur des autorités
Son avocat, Me Matthieu Creach, a plaidé le contexte difficile dans lequel exerçait son client, au service d’une patientèle défavorisée dans un désert médical : « Ces 541 ordonnances représentent une goutte d’eau dans une pratique de généraliste présent quand les créneaux Doctolib sont pleins et les urgences saturées. » Il a précisé à l’AFP que son client se réservait la possibilité de faire appel.
Mise sous ordonnance sécurisée depuis mai 2021 par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la prégabaline est dans le collimateur des autorités de santé face à la hausse des abus et des détournements.