Par

Emilie Salabelle

Publié le

17 juil. 2025 à 6h36

Le revirement de situation n’a pas manqué d’être pointé du doigt par l’opposition lors du conseil municipal de Bagnolet. D’abord jugée peu pertinente et loin des priorités de la municipalité, l’idée d’une nouvelle passerelle piétonne au-dessus du périphérique pour relier la commune à Paris a finalement fait son chemin. Un vœu surprise déposé par Anne de Rugy, conseillère appartenant à la coalition de la majorité conduite par le maire (PS) Tony Di Martino, propose de lancer une étude pour analyser les possibilités de franchissements. Il a été adopté à l’unanimité. Dans les rangs du groupe d’opposition Ensemble pour Bagnolet (DVG), on fustige néanmoins une réappropriation de projet aux ambitions électoralistes.

La passerelle de nouveau sur la table

L’ultime délibération du dernier conseil municipal a suscité d’âpres discussions, jeudi 26 juin 2025. Pas tant sur le fond du vœu que sur son timing. Fin mai 2025, Cédric Pape, premier adjoint au maire (PS) Tony Di Martino estimait en effet dans les colonnes d’actu Paris que la création d’une nouvelle passerelle « [n’était] pas la priorité », préférant se focaliser sur le projet d’enfouissement partiel ou total de l’échangeur de la porte de Bagnolet.

Le projet ne date pas d’hier. Il vise à raccourcir la coupure entre les portes de Montreuil et de Bagnolet, qui, à 1 km l’une de l’autre, enregistrent la plus longue distance entre deux portes sur le boulevard périphérique. Il existe bien déjà une passerelle actuellement, à proximité de la porte de Montreuil. Mais elle est dégradée, régulièrement fermée, étroite et nécessiterait des rénovations. Un second franchissement permettrait de désenclaver cette partie du périphérique, estiment les partisans du projet, porté par une pétition citoyenne. Il serait en outre quasiment intégralement financé par la Mairie de Paris, propriétaire du périphérique. Son emplacement avait déjà été envisagé par cette dernière, au moment du projet de ZAC Python-Duvernois.

« Faire taire la rumeur »

Dans son vœu présenté en deux axes, Anne de Rugy a repris point par point ces arguments, créant la surprise, y compris pour ses partenaires politiques. « Il faudrait qu’on n’apprenne pas 48 heures avant [l’existence] de ce vœu, on aurait gagné du temps », a raillé le premier adjoint (PS) en charge de l’aménagement de l’urbanisme, Cédric Pape.

Le texte a pour vocation de « montrer une position commune et unie de notre ville concernant les franchissements piétons et physiques du périphérique, une frontière physique et symbolique », et « faire taire la rumeur » selon laquelle « la ville de Bagnolet serait hostile à la facilitation des franchissements du périphérique. Nous y sommes tous et toutes très favorables », a invoqué l’élue.

Son vœu, adressé à la Ville de Paris, et à la Métropole du Grand Paris (MGP), propose d’une part de « renforcer, sécuriser et élargir la passerelle déjà existante, pour qu’elle soit fonctionnelle et utilisable sans mauvaise surprise de manière continue » ; d’autre part, de demander à la Ville de Paris et à la MGP de « lancer une étude qui permette d’étudier les cheminements entre nos deux villes et les usagers d’une deuxième passerelle qui raccourcisse les cheminements piétons et cyclistes entre Paris et Bagnolet ».

Changement de ton

Une volte-face dont s’est félicité Pierre Vionnet, principal instigateur du projet de passerelle depuis plusieurs années à Bagnolet. Absent lors du conseil municipal, l’élu du groupe d’opposition Ensemble pour Bagnolet a réagi auprès d’actu Paris : « Quand j’avais présenté un vœu sur ce sujet en 2022, Anne de Rugy disait qu’elle ne comprenait pas d’où sortait ce projet de passerelle, dont l’utilité était selon elle limitée puisqu’une autre existait déjà ». Le même argument avait d’ailleurs été tenu par Cédric Pape, auprès d’actu Paris.

Satisfait, Pierre Vionnet souligne tout de même un timing moins favorable aujourd’hui qu’il ne l’était il y a quelques années. « Maintenant, le quartier de Python-Duvernois est quasiment terminé. Il y a trois ans, quand il se lançait, c’était le moment idéal pour appuyer sur le bouton de la passerelle, quand la Ville de Paris était porteuse du projet. Mais mieux vaut tard que jamais. Maintenant que le dossier est clairement réouvert, Paris voit que la majorité diverse et l’opposition sont d’accord, et c’est tant mieux ».

« La passerelle n’a pas d’avenir »

Une concorde, certes, mais un peu cacophonique. Outre les rangs de l’opposition qui ont crié à la récupération politique à neuf mois des prochaines élections municipales, la coalition majoritaire n’a pas affiché un front parfaitement uni, alors que différentes listes candidates devraient émerger. Bon an mal an, elle a accordé ses violons, Cédric Pape se montrant toujours sceptique sur la faisabilité d’une seconde passerelle. Tout l’enjeu, explique-t-il, est de la faire atterrir quelque part.

Le terrain privilégié par Pierre Vionnet est une parcelle privée, aujourd’hui détenue par Europe Équipements. « Cela sous-entendrait, si le propriétaire était vendeur, de faire une préemption sur une partie du terrain. Ça coûterait des millions d’euros. Si on les avait, je préférerais que cet argent soit investi dans les groupes scolaires de Bagnolet », a-t-il exposé en conseil municipal, tout en distribuant à l’assemblée un plan cadastral des abords du périphérique. « Il n’y a pas beaucoup de solutions. Soit on préempte et ça coûte énormément d’argent. Soit il y a une parcelle publique, et il faudrait savoir où elle débouche côté Paris. On peut se poser la question de l’utilité de construire une parcelle numéro 2 [si elle est] à 50 m de la parcelle numéro 1. À travers ce plan, on se rend compte, à mon avis, que la passerelle numéro 2 n’a pas d’avenir. »

L’enfouissement de la porte de Bagnolet, priorité de la majorité

‘Il y a possibilité, en investissant plusieurs millions d’euros de se tourner vers l’avenir, d’enclencher un processus. On se doit de mettre en place des équipements. Le rachat du foncier peut être négocié avec le promoteur, le propriétaire de ce foncier » a répondu le conseiller (EELV) Sébastien Staelens.

Pierre Vionnet propose quant à lui d’appliquer la même mécanique qui avait été prévue lors des négociations d’implantation d’un centre logistique voulu par Europe Équipements sur la fameuse parcelle – projet aujourd’hui abandonné. « Europe Équipement s’était engagé à réaliser un espace vert qu’il rétrocéderait gratuitement à la ville. Pour faire aboutir la parcelle, il ne faut pas beaucoup de surface, juste une petite allée piétonne », plaide Pierre Vionnet.

Affichant sa volonté « d’éclaircir le débat », la majorité municipale a souscrit au vœu, en y ajoutant un amendement stipulant que « le plan de financement de ladite passerelle ne devra pas reposer à titre principal sur la ville de Bagnolet, et une éventuelle participation de sa part ne saurait constituer un coût prohibitif pour la collectivité. L’étude réalisée ne devra pas constituer un prétexte pour remettre en cause l’engagement de l’ensemble des acteurs en faveur d’un projet ambitieux pour une transformation majeure du site de la porte de Bagnolet ». Un enjeu de santé publique défendu « bec et ongles » par la majorité, a martelé Cédric Pape. « La ville est coupée en deux par l’autoroute, l’enfouissement vise à réunir Bagnolet sud et Bagnolet nord. C’est le projet écologique le plus prégnant d’Île-de-France. »

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