Et si, au lieu d’attendre des
semaines un rendez-vous ou de faire la queue à l’hôpital, il
suffisait d’un petit capteur à usage unique, bon marché et sans
réfrigération, pour détecter des maladies graves comme le cancer ou
le VIH… directement chez soi ? Ce
scénario, digne d’un film de science-fiction, est en passe de
devenir réalité grâce à une innovation surprenante sortie des
laboratoires du MIT.
À la croisée de la
biotechnologie, de la chimie et de la médecine portable, ce capteur
jetable pourrait bouleverser notre rapport au diagnostic médical.
Et le plus étonnant, c’est qu’il fonctionne grâce à… de l’ADN.
Un détecteur miniature qui lit
la maladie dans l’ADN
Ce capteur électrochimique,
développé par l’équipe de la professeure Ariel Furst au MIT, repose
sur un principe simple mais ingénieux : il détecte la présence de
gènes associés à certaines maladies (comme le cancer de la
prostate, le VIH ou le VPH) en surveillant comment une enzyme
spéciale interagit avec des brins d’ADN fixés sur une
électrode.
L’enzyme en question, baptisée
Cas12, est issue du célèbre système CRISPR, souvent décrit comme
les « ciseaux génétiques » de la biologie moderne. Sa particularité
? Lorsqu’elle rencontre une séquence génétique cible, elle devient
suractive et découpe tout l’ADN qui l’entoure. Imaginez une
tondeuse à gazon qui, une fois allumée, coupe sans distinction
toute l’herbe à proximité. Résultat : l’ADN fixé sur l’électrode du
capteur est haché, ce qui modifie le signal électrique du
dispositif. Ce changement est ensuite interprété par un petit
lecteur portable, confirmant ou non la présence de la maladie.
Le génie de la simplicité :
un capteur low-tech mais ultra-performant
La vraie révolution n’est pas
seulement dans le fonctionnement du capteur, mais dans sa
simplicité d’utilisation et sa robustesse. Contrairement aux
dispositifs habituels nécessitant un environnement stérile ou des
conditions de conservation précises, celui-ci fonctionne sans
réfrigération. Il peut être expédié, stocké et utilisé même à des
températures extrêmes, jusqu’à 65°C.
Ce tour de force technologique
repose sur une innovation toute simple : un revêtement en polymère
(alcool polyvinylique, ou PVA), appliqué sur la couche d’ADN du
capteur. Une fois sec, ce film forme une barrière protectrice
ultra-fine, empêchant les dégradations dues à la chaleur, à
l’oxygène ou à l’humidité. L’ADN reste donc stable pendant plus de
deux mois, sans besoin de chaîne du froid.
Et cerise sur le gâteau : le
coût de fabrication est de seulement 50 centimes par unité.
Les capteurs sont constitués d’ADN collé à une électrode en feuille
d’or peu coûteuse, laminée sur une feuille de plastique. Crédits :
MITLe test maison, accessible à
tous ?
En laboratoire, le dispositif
a prouvé son efficacité sur des échantillons d’urine contenant le
biomarqueur PCA3, associé au cancer de la prostate. Il a aussi été
testé avec des prélèvements salivaires et nasaux, et pourrait être
facilement adapté pour repérer d’autres virus, bactéries ou
mutations génétiques. On parle ici d’un outil ultra-flexible,
programmable selon la cible à détecter, simplement en changeant le
guide ARN utilisé par l’enzyme Cas12.
Dans un monde confronté à des
pandémies, à des inégalités d’accès aux soins ou à des
infrastructures médicales surchargées, ce capteur pourrait devenir
un game changer. Imaginez pouvoir effectuer un dépistage précoce du
VIH dans un village isolé, ou suivre l’évolution d’un traitement
contre le cancer sans devoir se déplacer à l’hôpital.
Du labo à la start-up : vers
une production à grande échelle
L’équipe du MIT ne s’arrête
pas là. Grâce à la validation de cette technologie, elle s’est
lancée dans l’accélérateur de startups Delta V, avec l’ambition de
commercialiser ces capteurs pour des tests sur le terrain. Jusqu’à
récemment, il fallait fabriquer les capteurs sur place, juste avant
leur utilisation. Aujourd’hui, ils peuvent être produits à
l’avance, transportés à travers le monde, et utilisés facilement,
sans expertise particulière.
À terme, cette innovation
pourrait s’étendre à la détection de maladies émergentes, ou même
servir en cas de catastrophe sanitaire pour effectuer des
diagnostics rapides sur le terrain, à grande échelle.
Une petite révolution en
silence
Derrière ce capteur se cache
une philosophie simple : démocratiser l’accès à la santé, en la
rendant plus mobile, plus rapide, et surtout plus équitable. Pour
Ariel Furst, le but est clair : « Nous voulons rendre le
diagnostic accessible aux gens qui n’ont pas accès à des structures
médicales. Il ne s’agit pas seulement d’efficacité, mais d’impact
social. »
Si le défi reste de
l’industrialiser à grande échelle et de garantir sa fiabilité en
conditions réelles, le potentiel est immense. Et il se résume en
une promesse : transformer un simple bout de plastique et d’ADN en
sentinelle silencieuse de notre santé.
L’étude est publiée dans la
revue ACS
Sensors.