En 2022, 13,8 millions de Français bénéficiaient du dispositif d’affections de longue durée (ALD), selon l’Assurance maladie. Ces malades chroniques bénéficiant d’un remboursement à 100 % de leurs soins et traitements en rapport à leur pathologie chronique font partie des cibles visées par François Bayrou mardi afin de réaliser des économies. Dans son plan de réduction de 5 milliards d’euros des dépenses sociales annuelles, le Premier ministre a annoncé son souhait de restreindre la prise en charge des ALD.
Le chef du gouvernement a expliqué vouloir mettre fin au remboursement à 100 % des médicaments « sans lien » avec la maladie de longue durée et instaurer une « sortie du statut » dans certains cas. Mais concrètement, en quoi consiste ce dispositif ? Les malades se voient-ils vraiment remboursés intégralement des médicaments sans rapport avec leur pathologie ?
Diabète, cancer, trouble bipolaire
Pour bénéficier d’une ALD exonérante, la personne doit être atteinte d’une maladie grave, évoluant pendant plus de six mois et nécessitant un traitement coûteux. Diabète, cancer, trouble bipolaire, maladie de Crohn ou AVC invalidant… Plus d’une quarantaine de pathologies sont concernées. Les frais de santé liés à la maladie sont alors pris en charge à 100 % dans la limite du plafond de remboursement de l’Assurance maladie. En cas de dépassement d’honoraires, des frais resteront donc à charge du patient.
Afin d’y avoir recours, le médecin traitant doit déclarer l’ALD à l’Assurance maladie et le patient sera alors enregistré comme tel par la Sécurité sociale. Lorsqu’il bénéficiera de consultations et de soins à l’hôpital ou en cabinet, ou qu’il se rendra à la pharmacie, les frais engendrés seront intégralement remboursés (en dehors des dépassements d’honoraires, encore une fois). La loi prévoit même une dispense d’avance de frais.
Une ordonnance bizone
L’Assurance maladie précise bien que seuls les frais en rapport à la maladie chronique sont pris en charge intégralement. Pour différencier ceux qui relèvent de l’ALD du reste, des ordonnances bizone sont souvent utilisées. En haut, les traitements liés à la maladie chronique, remboursés à 100 %. En bas, ceux sans rapport avec l’ALD, remboursés normalement (par exemple pour une gastro ou une otite). Mais alors pourquoi François Bayrou a-t-il expliqué vouloir mettre fin au remboursement à 100 % des médicaments « sans lien » avec la maladie s’ils ne sont déjà pas concernés par cette exonération ? Dans les faits, ce n’est pas si simple.
Une ordonnance bizone - Papéterie médicale
« Par facilité, beaucoup de médecins mettent tous les traitements dans la case 100 %, que ce soit des hypnotiques ou des médicaments pour lutter contre la constipation », assure Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo). « Si les médecins généralistes font attention, c’est moins le cas pour ceux exerçant à l’hôpital. » A l’inverse, certains médecins oublieraient de mettre certains médicaments coûtant très cher dans la catégorie ALD.
Des médicaments en zone grise
Pour le docteur Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général de MG France, c’est encore plus compliqué qu’il n’y paraît. « Une personne étant en ALD pour une polyarthrite rhumatoïde et prenant des anti-inflammatoires à forte dose va avoir des ulcères à l’estomac comme effet secondaire. Donc on lui prescrit un antiulcéreux. Mais où doit-on le placer ? Est-ce qu’il est en rapport avec la polyarthrite ? », illustre le généraliste. Le choix de la catégorie se fera donc à l’appréciation de chaque médecin. « On est sans arrêt en bisbille avec l’Assurance maladie sur ce type de choses », assure le soignant.
A noter que les personnes bénéficiant d’une ALD ne sont pas exemptées des 2 euros de participation forfaitaire par consultation retenus par l’Assurance maladie, ni de l’euro retenu par boîte de médicaments. Ces participations sont actuellement plafonnées à 50 euros par an, mais François Bayrou a annoncé mardi vouloir en doubler le montant. Une double peine pour les malades chroniques.