Premier texte d’Adèle Yon, ce roman publié cet hiver a largement séduit la critique par son intelligence et sa charge émotionnelle. Le récit hanté, traversé de silences, redonne une voix à une femme effacée.

Parmi les livres qui refont surface dans les classements de ventes, Mon vrai nom est Élisabeth, d’Adèle Yon, s’impose discrètement comme un incontournable cet été. Phénomène littéraire dès sa parution, cet hiver, aux Éditions du Sous-sol, le premier texte de cette normalienne a touché l’ensemble de la critique par sa densité et son trouble. Un livre-enquête traversé par une voix et un nom effacé.

Une histoire de famille

Tout commence par une image ; une vieille photo exhumée d’un carton d’archives familiales. Élisabeth, qu’on appelait Betsy, n’était qu’une rumeur douloureuse transmise à demi-mot. Internée, lobotomisée, morte sans récit. Sa petite-fille, qui ne l’a jamais connue, décide de mener l’enquête, rassemblant correspondances, diagnostics, entretiens, silences. Ce qui affleure : le corps mutilé d’une femme et la mémoire anesthésiée d’une lignée entière.

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Betsy fut diagnostiquée schizophrène en 1950, internée 17 ans, soumise aux électrochocs, aux cures de Sakel, puis à une lobotomie. Une folie sans nom, transmise par le non-dit. Dans sa quête, l’autrice affronte aussi ses propres vertiges : « Est-ce que je suis folle, moi aussi ? » La peur devient méthode et le trouble moteur d’écriture. Adèle Yon interroge la violence psychiatrique autant que les mythologies familiales.

Un livre aux genres mêlés

Récit, essai, journal d’enquête, thèse déguisée, roman d’archives… Le texte échappe à toute classification et c’est probablement aussi pour ça qu’il plaît autant. Virginie Bloch-Lainé, sur France Culture, salue « un vrai roman », où « la recherche se met en scène tout en livrant des matériaux bruts mais retravaillés ». Marie Sorbier, quant à elle, admire « un dosage juste, sans pathos, qui laisse place au lecteur ».

La réception critique n’a d’ailleurs laissé place à aucun doute. Télérama lui adresse cinq étoiles, et parle d’« une enquête minutieuse, étayée, obstinée », où « le passé familial, perclus de silences, est le matériau à ausculter ». De même, Le Monde voit en Adèle Yon une « détective » qui remonte le fil des voix – celles des morts, des absents et des mutiques. Libération, enfin, s’attarde sur les réticences familiales qui se fissurent, sur « les vides immenses qui composent l’histoire de Betsy ».

L’histoire est aussi celle d’une disparition administrative. Élisabeth, réduite à Betsy, à une pathologie puis à un silence. La phrase qui donne son titre au livre – « Savez-vous que mon vrai nom est Élisabeth ? » – est extraite d’une lettre adressée par l’aïeule à son fiancé en 1940 en guise de déclaration, de protestation. Et aujourd’hui, grâce à ce livre, de réparation.