« La villa fantôme ».

À Cagnes-sur-Mer, tel fut longtemps le surnom de La Marcelline, bâtisse emblématique de l’avenue Ziem. Il faut dire que, outre sa belle tourelle en tuiles vernissées dominant ce coin résidentiel, peu de choses étaient perceptibles à son sujet, nourrissant ainsi les légendes urbaines… du passé.

L’an prochain, la maison délabrée – « et un temps squatté », dixit le maire Louis Nègre – renaîtra en une pension de famille, lieu à caractère social destiné à la réinsertion de personnes précaires. Impulsé par la Ville, le chantier, dont la première pierre a été posée ce jeudi 17 juillet, alimente des craintes dans le voisinage.

On fait le point.

Qui participe au projet?

D’un coût d’1,9 million d’euros (1), le projet associe le bailleur social Côte d’Azur habitat, la Ville et l’association de gestion immobilière à vocation sociale Agis06, maître d’œuvre. Huit entreprises turbinent sur le chantier sous la houlette du cabinet d’architectes niçois Nommos, spécialisé dans la rénovation du bâti ancien.

Qu’est-ce qu’une pension de famille?

La Marcelline se calque sur le modèle de pensions de famille azuréennes existantes. À l’instar de La Provence, située à Vence depuis 2018. Il s’agira d’une résidence sociale logeant des personnes fragiles (sans abri, en situation de handicap, sans emploi…) aux revenus modestes (RSA, allocation adulte handicapée, petite retraite…) Objectif: leur remettre le pied à l’étirer en rompant l’isolement. Au sein du lieu, une hôte, sorte de chaperon/assistante sociale, sera là du lundi au vendredi de 8h à 17h (avec astreinte téléphonique le week-end) pour accompagner les habitants et proposer des temps conviviaux dans les espaces communs. « L’idée, c’est de se recréer une famille », explique Stéphane Pennec, directeur d’Agis06, association qui gère le lieu, propriété de Côte d’Azur Habitat.

Combien de logements et pour qui?

La villa disposera de quinze logements sociaux de 22m2. « Des studios avec kitchenette et salle d’eau, accessible via un petit loyer [entre 300 et 500 euros] », détaille le responsable. Parmi les lieux partagés: salle de vie, cuisine, buanderie, jardin. Le public y est majeur et mixte: pas de famille mais des gens seuls ou en couple.

Quand les locataires arriveront-ils?

La Marcelline doit ouvrir d’ici à la fin du premier semestre 2026. C’est le Centre communal d’action sociale cagnois qui orientera alors les personnes isolées de la commune – davantage des profils de seniors, mais pas que – vers le lieu.

(1) Financé par l’État, la Fondation pour le logement, AG2R La Mondiale, Cagnes, la Métropole, le Département, ainsi qu’un crédit auprès de la Caisse des dépôts.

Échange musclé entre le maire et des riverains

« Pas de maison de réinsertion, non ! » Au milieu de la petite foule venue assistée à la pose de la première pierre, c’est ce qu’on peut lire sur la pancarte brandie par Françoise. Comme d’autres, cette voisine de l’avenue Ziem ne décolère pas. « On a appris le projet par la presse. C’est quoi au juste ? Moi, je pense qu’il y aura des gens qui sortent de prison… », lance-t-elle.

« Ce qu’on dénonce, c’est le flou. Pension de famille, ça ne veut pas dire ça… On veut des réponses », pose Michel, venu avec sa femme Geneviève et leur voisine Sylvia, tous résidents du (proche) passage du Dr-Calmette. Et ils ont été servis. Défendant « un projet humaniste » et une politique du logement « pour tous les Cagnois, pas seulement ceux qui ont une villa avec jardin », le maire s’est livré à une explication de texte détaillée, très cash. Et l’édile d’étriller « la désinformation à l’œuvre sur les réseaux sociaux, où l’Alliance des droites n’a pas hésité à mettre le feu au quartier en postant que La Marcelline était remise en état pour recevoir des délinquants multirécidivistes. C’est faux, c’est une honte ! »

Après un ping-pong musclé avec les riverains, le maire leur a fait 3 propositions : les inviter à l’inauguration, leur permettre de constituer, sous l’égide d’Agis 06, un groupe de suivi, et une visite la pension de famille vençoise. « Je suis rassuré », réagit Michel en aparté. « Même si on n’est pas venu pour recevoir ses leçons de morale ! », rebondit Geneviève, agacée par le ton du maire. Ambiance.