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Rédaction Nantes

Publié le

17 juil. 2025 à 17h23

Un médecin de Nantes (Loire-Atlantique) a été condamné ce mercredi 16 juillet 2025 à deux ans de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Nantes pour avoir prescrit illégalement à 541 reprises de la prégabaline à 106 patients différents en quatre ans.

Des « dosages anormaux »

Le Dr Sami C. – qui a fait le « choix de travailler avec une population particulièrement défavorisée » – s’était retrouvé dans le viseur des gendarmes au cours d’une enquête sur le trafic de prégabaline, un antidouleur connu son nom commercial de Lyrica détourné pour ses effets psychoactifs.

Plusieurs pharmacies avaient en effet pointé ses prescriptions aux « dosages anormaux », avec une posologie atteignant jusqu’à deux fois la limite journalière autorisée, une « dose létale » selon le conseil de l’Ordre des médecins de Loire-Atlantique.

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) avait également lancé une enquête : 541 ordonnances « indues » avaient été signées par ce praticien entre 2020 et 2024 à 106 patients. Sur cette période, il avait réalisé environ 50 000 consultations, soit 30 à 40 par jour : un nombre au-dessus de la moyenne qui s’explique par le fait qu’il prend aussi des patients « sans rendez-vous ».

Ce généraliste de 62 ans, qui a obtenu son diplôme en 1995 à la faculté de Nantes avant de s’installer seul dans son cabinet en 2000, serait ainsi « le plus grand prescripteur de prégabaline de la région des Pays de la Loire » selon la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique.

« Si vous allez dans son bureau vous verrez qu’il délivre des ordonnances par milliers », avait d’ailleurs déclaré l’un des quelques patients retrouvés et entendus en procédure. D’autres se souvenaient de ses « interrogatoires très légers ».

Un « bordel sans nom » dans son cabinet

Son cabinet médical avait ainsi été perquisitionné le 16 juillet 2024. Des « monticules de papiers » disposés de façon « anarchique » avaient été découverts chez ce sexagénaire qui n’utilise « pas d’outil informatique ».

Un « bordel sans nom » selon le procureur de la République, d’autant que le Dr Sami C. est le « médecin traitant » de 1 285 patients et qu’il en a 4 500 en « file active ».

Lors de son procès au tribunal correctionnel de Nantes, ce mercredi 16 juillet 2025, le généraliste a reconnu les faits mais a assuré qu’il avait agi dans le « but de soigner ».

Certains « toxicomanes » auraient aussi « menacé » de « l’étrangler » ou de « brûler sa voiture » s’il ne leur délivrait pas leurs doses. Le Dr Sami C. disait également redouter les « symptômes de sevrage » pour les personnes « en état de manque », se désolait des difficultés à obtenir un suivi en addictologie et évoquait des « vols d’ordonnances ».

« Je me serais très bien passé de cette patientèle aux profils psychopathologiques… Je me sentais démuni » a-t-il souligné à la barre. Me Matthieu Créach, son avocat, a notamment révélé que l’un des patients retrouvés en procédure est actuellement « en détention provisoire pour assassinat ».

L’Ordre des médecins de Loire-Atlantique l’avait pourtant mis en garde dès 2021 sur la « dangerosité de ses prescriptions », et même avant en 2011 sur sa délivrance de Fentanyl et en 2017 concernant une autre substance. « Je pense qu’il est amoureux de sa profession mais il s’est mis en danger avec ses patients » a résumé le président du conseil de l’ordre. « L’accès aux addictologues est difficile mais on peut mettre des limites vis-à-vis des patients menaçants. »

« Énormément de trafic » à Nantes

Le procureur de la République a insisté sur « l’isolement » du généraliste, qui exerce seul sans secrétaire. « Il a énormément d’argent sur son compte bancaire mais n’en fait rien, ce n’est pas ce qui compte pour lui » a fait remarquer le représentant du ministère public. Surtout, ce dossier est « important » selon le magistrat car il y a « énormément de trafic » de prégabaline à Nantes : « une centaine de procédures en deux ans » ont été ouvertes par le parquet.

C’est louable d’être proche du peuple mais il faut respecter les règles.

Procureur

Mais « c’est une goutte d’eau dans le travail qu’il a accompli » a relativisé pour sa part l’avocat du médecin. Me Matthieu Créach a notamment rappelé une expertise qui mettait en lumière ses qualités professionnelles et a proposé au tribunal « d’envisager une interdiction de prescrire de la prégabaline », ce qui lui aurait permis de continuer son activité, déjà arrêtée depuis novembre 2024 avec l’instauration d’un contrôle judiciaire.

Le tribunal s’est rangé à l’avis du ministère public en lui infligeant deux ans de prison avec sursis simple. Il lui a aussi interdit d’exercer pendant cinq ans et le médecin devra régler une amende de 50 000 euros au Trésor public – le parquet réclamait 80 000 euros – 13 143,12 euros à la CPAM et 1 euro « symbolique » au Conseil de l’ordre des médecins de Loire-Atlantique.

Le médecin devra enfin verser 1 000 euros de frais de justice à la CPAM et 1 200 euros au Conseil de l’ordre des médecins de la Loire-Atlantique.

Il a par ailleurs comparu fin mai devant la chambre disciplinaire de l’ordre régional des médecins des Pays de la Loire pour avoir laissé circuler en ville un patient « tuberculeux » sans en informer les autorités. La décision de ses pairs devrait être connue sous peu.

ED et GF (PressPepper)

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