Propriétaire du stade, Saint-Etienne Métropole vient de présenter une solution de soin de la pelouse, de préservation plutôt, décrite comme inédite en France. Des voiles d’ombrage suspendues durant cet été au-dessus des 7 200 m2 du terrain de Geoffroy Guichard. De quoi réduire l’impact des fortes chaleurs desséchantes favorisant la maladie.Un « prototypage » appliqué à cet été 2025 bien parti pour devenir dispositif courant, voire s’exporter. Avec cet – autre – avantage de ne pas coûter grand chose à la Métropole si ce n’est le temps consacré par ses employés.

La mise en place a nécessité des câbles fixés par des attaches vissées aux parois des tribunes. ©If Médias / Xavier Alix

Il suffisait d’y penser ? Certes, mais à l’heure des soins appuyés par la technologie – comme la luminothérapie –, cela n’avait rien de si facile et évident, à écouter les jardiniers du stade Geoffroy Guichard. Pas plus qu’une mise en œuvre, justement en plein rodage pour en tirer les leçons et, à terme, le meilleur parti de ce qui n’est actuellement qu’un prototype. Depuis mi-juin, environ 7 500 m2 de voiles d’ombrage en fibre synthétique sont suspendus au-dessus de la pelouse Geoffroy Guichard. Seulement retirées quelques jours en un mois, le temps du match amical, à huis-clos, face à Troyes samedi dernier. C’est un dispositif inédit en France, assure Saint-Etienne Métropole, propriétaire des lieux et c’est dans le Chaudron qu’il est actuellement testé et appelé à être pérennisé.

Cela ne coûte rien ou presque en investissement pour la collectivité, l’une des dernières, si ce n’est la dernière à assurer sa gestion, de la pelouse entre autres, via une régie directe, parmi les enceintes de calibre comparable en France appartenant encore à la sphère publique. Ce qui lui offre aussi le « luxe », précise-t-elle de prendre son temps, tâtonner, risquer. Le matériel nécessaire, Geoffroy-Guichard l’avait déjà à disposition. Il s’agit des mêmes voiles que l’on peut observer par exemple, déployées sur les grilles entourant l’enceinte, teintées d’un vert assez sombre bien adapté aux lieux et laissant, naturellement, passer la lumière tout en limitant fortement l’effet d’un ardent soleil cognant. Soit 50 % d’UV subi en moins. Seul l’appel extérieur à une société spécialisée dans le cordage – 2 000 € environ – a été nécessaire pour fixer en hauteur, sur les tribunes les câbles permettant de tendre l’ensemble.

Une exigence toujours montante

Le reste, ce sont les employés de la collectivité qui s’en chargent, constatant les écueils à lever, ce qui reste à améliorer.  Il faut compter un jour et demi pour déployer le tout, une demi-journée pour remballer. « L’idée remonte à l’issue de l’Euro 2016, à une époque où la Pyricularia (maladie fongique des pelouses venue des rizières d’Italie, favorisée par les étés chauds) a commencé à faire son œuvre partout en France », explique José Machado, responsable technique du stade, 20 d’expérience avec Geoffroy-Guichard et sa pelouse. Cette dernière n’avait alors pas été épargnée mais « nous avions remarqué que les parties les plus à l’ombre avaient bien mieux tenu ». Une première tentative d’ombrage partielle, sur 2 000 m2, avait alors été esquissée à l’été 2017 mais l’expérience, effectuée dans de « mauvaises conditions » et apparemment mal appuyée – « tout le monde n’y croyait pas » – sans que l’on en sache plus sur ces circonstances, tourna court. Avant de renaître donc, cette fois à plein régime en 2025.

L’idée remonte à l’issue de l’Euro 2016, à une époque où la Pyricularia a commencé à faire son œuvre partout en France.  

José Machado, responsable technique du stade

Objectif donc : préserver du mieux possible la qualité du gazon soumis à dévastation de la maladie alliée à des étés de plus en plus ardents alors même que l’exigence imposée aux stades de L1 et même L2 en la matière ne cesse de monter. A des années lumières d’ailleurs de ce qui était accepté il y a 30 ou même 20 ans, souligne Marianne Petiot, directrice des sports Ville et Métropole. Souvent quelque peu abruptement, estiment les personnels de la collectivité au regard de la difficulté à les maintenir à ce niveau et de leur investissement. « Il y a ces notes, ces classements qui tombent issus des impressions, des ressentis des journalistes, des joueurs, etc. Mais bon… Faire par exemple référence aux jardiniers anglais et sous-entendre que l’on n’est pas bon à comparer, c’est aussi oublier que l’on n’a pas le même climat, même en France, entre le Nord et Marseille ou Bordeaux, que le changement climatique n’arrange rien, que la maladie peut tout détériorer en un rien de temps, que le substrat synthétique sous la pelouse fait qu’elle grille plus vite. »

Chaque plaquage de pelouse coûte 500 000 €

Après avoir obtenu un excellent 17,9/20, 3e à égalité de L1 + L2 à l’issue de la saison 2023/24 (1ère de L2), la pelouse du Chaudron a été reléguée à la 13e place lors de la suivante, celle qui vient de s’écouler. Elle a été re plaquée deux années consécutives après l’été assez brutal de 2023 puis en 2024. La seconde fois s’est moins bien passée. Plaquée plutôt que « ressemée », comme cela était conseillé à une autre époque. « Les années passées à faire ce métier apprennent la modestie, relève José Machado. On apprend au fur et à mesure des exigences qui augmentent, de la situation locale surtout et il vaut mieux éviter d’appliquer aveuglement des conseils de soin extérieurs de la part de ceux qui disent il faut faire ainsi, comme ça… A force d’expériences, on sait comment faire au mieux dans son stade que l’on pratique au quotidien, mais pas ce qui doit être mis en œuvre ailleurs. Nous ferions forcément moins bien si nous étions affectés à une autre enceinte du jour au lendemain. »

Marianne Petiot, directrice des sports Ville / Métropole, Jean-Luc Degraix, vice-président de Saint-Etienne Métropole aux grands équipements et José Machado, responsable technique du stade. ©If Médias / Xavier Alix

Pour le vice-président aux grands équipements de Métropole qu’est Jean-Luc Degraix, le voilage appliqué aussi longtemps que nécessaire en période chaude, c’est aussi la perspective d’économiser 500 000 € sur budget engloutis en re plaquage les années où cela est nécessaire. C’est aussi, en plus d’une réduction de 50 % d’exposition aux UV donc, une économie notable d’arrosage de 30 à 50 % même si les cuves de récupération d’eau de pluie de 430 m3 existantes permettent déjà de limiter en partie le puisement dans le réseau. C’est enfin, la possibilité de réduire, voire d’éliminer le recours aux produits phytosanitaires, seule solution appliquée dans les grandes enceintes sportives contre la Pyricularia, par dérogation à l’obligation « zéro phyto », valable actuellement jusqu’en juillet 2026. « Avec les panneaux photovoltaïques ou encore les derniers aménagements d’Enedis sur l’éclairage, cela contribue à essayer de faire de Geoffroy-Guichard est un stade le plus exemplaire possible en matière d’environnement. »

Selon la Métropole, l’idée des voiles d’ombrage porte déjà de très bons résultats, qui plus est lancée pile avant une véritable et immédiate épreuve du feu : près de 3 semaines caniculaires entre mi-juin et début juillet. Après bilan fin septembre, le prototype est donc bien parti pour se muer en dispositif pérenne à l’été 2026, les rectifications nécessaires issues du rodage 2025 effectuées. Elle pourrait faire l’objet d’un brevet et, suscitant l’intérêt d’autres gestionnaires de grands stades, devrait s’exporter hors de Geoffroy-Guichard. Marianne Petiot dispensera d’ailleurs une formation à son sujet au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges en juin prochain.