INTERVIEW DU LUNDI. Alors que CNews devient la chaîne la plus regardée de la TNT et que C8 a cessé d’émettre, Fabrice Mollier, président de Canal+ Brand Solutions, revient pour The Media Leader sur la transformation du groupe Canal+, le bilan de l’expérience TPMP en digital, les premiers mois de l’accord avec Warner/Max, les ambitions sur la plateforme myCanal qui devient l’application Canal+, et les innovations publicitaires à venir.
The Media Leader : Quel impact a eu l’arrêt de C8 sur l’activité de Canal+ Brand Solutions ?
Fabrice Mollier : C8 était notre première chaîne en audience et la leader de la TNT. C’est donc une mauvaise nouvelle pour les téléspectateurs, pour nous régie, et aussi pour les annonceurs, compte tenu de la couverture qu’elle apportait. Son arrêt a eu des conséquences importantes avec notamment un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) concernant entre 20 et 30 postes, en cours de négociation. Pour autant, cette mauvaise nouvelle a été partiellement compensée par d’autres dynamiques : la croissance de CNews, le positionnement plus premium des chaînes Canal+, notamment grâce aux droits sportifs UEFA, et l’accélération de notre stratégie digitale avec la prise en régie de Max et la création de Stream+.
TML : Quel bilan tirez-vous de l’expérience TPMP en 100% digital ?
F.M. : C’est un excellent test. Décidé une semaine avant la fin de C8, ce projet a été très largement distribué (YouTube, Dailymotion, les opérateurs FAI) et a permis à TPMP de rester leader des talk-shows en audience. Nous avons été très réactifs : offres commerciales lancées en un week-end, roadshow en agences, deux parrains présents dès la première émission… Les équipes de la régie ont accompagné Cyril Hanouna sur tous les aspects techniques : watermarking, gestion du conducteur des écrans pub des émissions, et ça en un temps record. Ce modèle montre qu’une audience de masse est possible en dehors de la TNT, y compris sur les 25-49 ans. Même si la durée de l’expérience a été courte, elle a généré un chiffre d’affaires significatif. Mais surtout, elle a validé notre agilité en tant que régie, tant sur le plan commercial / marketing que sur le plan technique.
TML : Cette agilité ouvre-t-elle la voie à de nouveaux modèles de monétisation ?
F.M. : Oui. Nous croyons beaucoup à la publicité contextuelle et créative, aussi bien sur le linéaire que sur le streaming. L’application Canal+ permet désormais une expérience homogène, avec un inventaire triplé en 18 mois sans nuire à l’expérience utilisateur. Notre credo c’est que dans un univers payant, la publicité doit être qualitative, créative, et avec une « chorégraphie » limitée, c’est ce que j’appelle la publicité raisonnée. Le digital ne doit pas être un copier-coller du linéaire, il faut en permanence nous réinventer. Nous travaillons sur des formats immersifs, comme le test récent de Elsève de L’Oréal sur Max (Home Switch Home).
TML : Justement, quel bilan tirez-vous de votre accord avec Warner/Max ?
F.M. : C’est une fierté. Nous avons été les premiers au monde, avec les Pays-Bas, à signer ce type d’accord. Il repose sur une relation de confiance établie avec Warner via Eurosport. L’accord a très bien démarré. Max attire des marques premium, y compris dans le luxe et l’automobile. Nous avons su construire une offre homogène et différenciée des environnements AVOD classiques : une expérience publicitaire où par exemple vous ne verrez jamais plus de 4 spots dans un break. La dynamique commerciale est très dynamique avec déjà plus de 200 annonceurs présents.
TML : CNews est devenue la chaîne leader de la TNT. Quelles sont vos ambitions commerciales ?
F.M. : CNews est aujourd’hui la première chaîne info mais surtout elle est désormais la première chaîne de la TNT en audience. Elle progresse de 40% sur les 25-49 ans. Nous avons encore augmenté notre nombre de clients et la valeur des écrans. Nous visons une croissance de chiffre d’affaires d’environ 30% selon les mois. Nous monétisons aussi l’app CNews, avec un inventaire vidéo en forte croissance. Notre logique est en effet moins dans le display comme d’autres sites news que dans la vidéo.
TML : 2025 marquera-t-elle une nouvelle étape pour la régie ?
F.M. : Oui. Nous poursuivrons notre feuille de route autour de la qualité de contexte et du format publicitaire créatif. C’est ce que recherchent les marques. Nous croyons aussi à l’innovation sur les formats, qu’ils soient éditorialisés ou immersifs. C’est une tendance forte, aussi bien sur le linéaire que sur le streaming.
TML : Quelle est votre vision de la convergence TV/vidéo ?
F.M. : Côté stratégie de Canal+, la convergence est totale : pour l’utilisateur, l’accès aux contenus est fluide, qu’ils soient en linéaire ou à la demande. Côté régie, c’est plus nuancé. Nous plaidons pour une convergence à l’achat (même budget), mais une distinction à l’exécution (métriques différenciés). Tant que la mesure n’est pas unifiée, nous souhaitons laisser cette souplesse aux clients et leur permettre de suivre de manière différenciée les 2 lignes budgétaires, linéaire et streaming.
TML : Un mot de la stratégie vis-à-vis des plateformes internationales ?
F.M. : Le modèle hybride que Canal+ a adopté depuis longtemps est aujourd’hui validé par les grandes plateformes. Netflix et Amazon ont introduit la publicité, Sky a déjà ce modèle hybride au UK. Mais chez nous, l’ADN, c’est l’agilité et l’anticipation, toujours avec cette exigence de qualité de contexte et de formats. Le débat n’est pas avec ou sans pub, c’est quelle expérience publicitaire pour quels publics et quels contenus.
TML : Quels sont vos chantiers prioritaires ?
F.M. : Consolider notre avance sur la publicité en contexte premium, renforcer notre inventaire digital, poursuivre la monétisation créative et accompagner la mutation du marché. Tout cela en restant fidèle à l’ADN Canal+: agilité, innovation, et toujours plus de contenus premium.