Lors de ses prises de parole, Karim Bouamrane (PS) résume souvent « la méthode Saint-Ouen » par un acronyme, « S.A.F.E ». La ville qu’il dirige depuis 2020 sera « sûre, apaisée, fraternelle et écologique », aime-t-il à répéter. Pour tenir les deux premières parties de cette promesse, l’élu socialiste vient de frapper fort. Un arrêté municipal entré en vigueur le 16 juillet interdit aux mineurs de moins de 16 ans de circuler sur l’espace public entre 23h30 et 6 heures s’ils ne sont pas accompagnés d’un adulte.
Le document motive cette mesure par « l’augmentation de la délinquance des mineurs sur le territoire de Saint-Ouen-sur-Seine de 8 % entre 2024 et 2025 », par « la mobilité des groupes délinquants d’un quartier à l’autre » et par le fait que ville « présente un taux de délits violents de 19 pour 1 000 habitants contre 6 pour 1 000 habitants au niveau national en 2024 ». L’interdiction court jusqu’au 31 octobre 2025.
Des initiatives similaires existent déjà en France, mais elles concernent pour la plupart des communes dirigées par des maires de droite comme Compiègne (Oise), Béziers (Hérault) ou Nice (Alpes-Maritimes). À Triel-sur-Seine (Yvelines), le premier magistrat vient d’assortir son couvre-feu d’une autorisation parentale. À Saint-Ouen, Karim Bouamrane veut « réinstaurer le civisme, une valeur de gauche ».
Il justifie sa mesure en citant… « Do the Right Thing », le film de Spike Lee qui retrace une révolte urbaine à New York en plein été. « C’est souvent durant cette période de l’année que s’exacerbent les tensions à cause de la chaleur, de l’ennui de ne pas partir en vacances, analyse-t-il. On marche sur deux jambes. La première, c’est de proposer un maximum d’activités estivales. La deuxième, c’est de s’assurer que ça se passe dans de bonnes conditions. »
« Quand vous avez moins de 16 ans, après 23h30, c’est maison ! »
Le maire de Saint-Ouen réfute toute « logique coercitive ». « Le rôle de la puissance publique n’est pas de stigmatiser les adolescents ni d’être dans l’angélisme mais de donner un cadre, dit-il. Quand vous avez moins de 16 ans, après 23h30, c’est maison ! On voit les tensions qui peuvent exister dans cette tranche d’âge partout en France, dans les Yvelines comme dans la Creuse. » Selon son cabinet, un tel arrêté constituerait « une première en Seine-Saint-Denis pour une ville de cette taille ».
En cas d’infraction à cet arrêté, « tout mineur pourra être reconduit à son domicile ou au commissariat par la police nationale ou la police municipale ». « Les parents des enfants concernés pourront être punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 2e classe (NDLR : amende forfaitaire de 35 euros) et faire l’objet de poursuites pénales (…) », poursuit le document.
« La police municipale sera dans une logique de prévention, de médiation, ajoute-t-on au cabinet de Karim Bouamrane. Et si elle constate que ça se répète, alors elle dressera des amendes. »
À Saint-Ouen, la mesure s’inscrit dans un plan « Été Sécurité et Civisme » dont l’objectif affiché est de « protéger les jeunes et prévenir les troubles à l’ordre public ». Concomitamment, Karim Bouamrane a pris deux autres arrêtés pour interdire la circulation des trottinettes électriques sur les trottoirs de l’ensemble de la ville et l’utilisation de « dispositifs de cuisson à feu ouvert » (barbecues, planchas…) sur l’ensemble du domaine public, à l’exception de trois secteurs.