La nouvelle volte-face américaine sur le dossier ukrainien risque de placer la Russie dans une situation très délicate : le président des États-Unis Donald Trump a menacé Moscou de sanctions historiques si aucun accord de paix ou cessez-le-feu n’est trouvé d’ici cinquante jours.
Si la menace américaine a été rejetée par Moscou et décrite comme un « ultimatum […] inacceptable » par le vice-ministre aux Affaires Étrangères Sergueï Riabkov, les conséquences des nouvelles sanctions seraient drastiques. La Maison Blanche a ainsi évoqué des droits de douane de 100 % qui seraient imposés à la Russie, mais également d’autres taxes à l’importation visant les pays achetant du pétrole russe.
Des revenus vitaux pour continuer la guerre contre l’Ukraine
Une telle mesure, si elle était mise à exécution, serait catastrophique pour Moscou. Là où la Russie n’exporte que peu de biens vers les États-Unis, et serait donc peu touchée par ses propres droits de douane, ceux imposés à ses partenaires commerciaux seraient à même de ralentir leur économie. On trouve parmi ces États la Chine et l’Inde, qui ont profité d’un pétrole russe à prix réduit depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, et qui risqueraient de stopper net toute importation d’or noir pour éviter de subir des taxes à l’importation américaines.
Les exportations d’hydrocarbures russes sont vitales pour Moscou, assurant au régime de forts revenus lui permettant notamment de financer son budget de la défense en constante augmentation pour subvenir aux besoins de la guerre en Ukraine. La valeur des exportations russes est cependant en baisse notable au premier trimestre 2025, s’élevant à 97,5 milliards de dollars, contre 101,9 milliards au premier trimestre 2024 ou 104,3 milliards de dollars au premier trimestre 2023, selon la Banque centrale de Russie.
Cette dernière explique que « la valeur des exportations a diminué en raison de la baisse des prix mondiaux du pétrole et du charbon, des réductions volontaires de la production de pétrole dans le cadre des accords de l’OPEP+ et de la fin du transit du gaz vers l’Europe via l’Ukraine ».
Une mauvaise nouvelle pour le régime, qui table sur un déficit budgétaire équivalent à 1,7 % du PIB en 2025, trois fois plus qu’initialement prévu en 2024, alors que la Russie dispose de capacités d’emprunt très limitées en raison des sanctions. Une diminution drastique des exportations de pétrole en raison des sanctions américaines risquerait donc de stopper net l’effort de guerre, en raison d’un manque de fonds dans le budget du pays.
Des menaces difficiles à mettre à exécution
Mais comme le souligne Sergueï Vakulenko, chercheur principal au Carnegie Russia Eurasia Center interrogé par le média russe indépendant Meduza, un tel scénario reste pour l’instant improbable. Donald Trump a en effet déjà menacé plusieurs pays, dont la Chine, de droits de douane exemplaires. « Aujourd’hui, tout cela est en train d’être rapidement annulé – en grande partie parce qu’il s’avère qu’il n’y a pas de véritables substituts aux produits chinois, et que les droits de douane touchent principalement les consommateurs américains », souligne le chercheur. « C’est à peu près la même chose pour l’Inde ».
Le cas de la Turquie, autre grand consommateur de pétrole russe, est plus complexe : Washington importe bien plus de biens chinois que turcs, mais l’importance critique d’Ankara au Proche-Orient pousse les États-Unis à ménager leur allié.
De plus, comme le pointe Sergueï Vakulenko, les clients d’or noir russe se fournissent auprès de Moscou par nécessité : « aucun pays n’a assez de pétrole pour remplacer les exportations russes ». Les pays menacés par les États-Unis ne risquent donc pas de se détourner de la Russie avant la fin de l’ultimatum américain.