Les propriétés analgésiques et fébrifuges des racines, des feuilles et de l’écorce de saule blanc étaient connues dès l’Antiquité. Il y a 4 000 ans on les utilisait déjà sous forme de décoctions, tisanes ou cataplasmes pour soulager maux de tête, fièvres et douleurs rhumatismales.

Il fallut néanmoins attendre le XIXe siècle pour que des pharmaciens et des chimistes parviennent à isoler la substance active, à savoir l’acide salicylique, des feuilles de saules (F. Fontana, 1825) puis à l’extraire de l’écorce de saule (J.-A. Buchner, 1828) avant de concentrer sa préparation en cristaux solubles (P-J. Leroux, 1929).

Né en 1816 à Strasbourg

Un pas décisif est franchi en 1853 par le chimiste et pharmacien Charles-Frédéric Gerhardt, qui effectue alors la synthèse de l’acide acétylsalicylique (AAS). De quoi ouvrir la voie à la fabrication industrielle de ce dernier sans avoir recours à la matière première végétale !

Ce savant est né en 1816 à Strasbourg, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons. Après des études au gymnase Jean-Sturm, il devient assistant du célèbre chimiste Liebig à Giessen avant d’obtenir son doctorat ès sciences physiques à Paris en 1841. Il sera chargé ensuite de cours à la faculté de Montpellier avant de fonder la première école française de chimie à Paris en 1849.

Après avoir publié son Traité de chimie organique et ses travaux de synthèse, dont Les nouvelles combinaisons salicyliques , il accepte en 1855 deux chaires de chimie à Strasbourg, l’une à la faculté des sciences, en remplacement d’un certain Louis Pasteur, et l’autre à l’École de pharmacie (*).

Travaux tombés dans l’oubli

Il décède d’une péritonite aiguë en 1856, soit trois ans après sa découverte, pour laquelle il avait déposé un brevet. Ses travaux tombent dans l’oubli jusqu’à ce que Felix Hoffmann, un chimiste allemand, ne s’en inspire et ne trouve en 1897 le moyen de synthétiser l’AAS depuis la reine-des-prés, plante herbacée vivace, sous forme stable.

Après des essais sur des patients, son employeur, la société Bayer, déposera le brevet et la marque en mars 1899 sous le nom “Aspirin”. Cette préparation thérapeutique, disponible sous forme de poudre et de comprimé, est commercialisée en France à partir de 1908 par la société chimique des usines du Rhône. Grâce à son large spectre, l’aspirine compte aujourd’hui toujours parmi les médicaments les plus utilisés au monde.

À Strasbourg une rue de la Neustadt et un saule blanc, planté en 2003 au jardin botanique à l’occasion des 150 ans de sa découverte, évoquent le souvenir de Charles-Frédéric Gerhardt. Un obélisque en granit signale sa tombe au cimetière Sainte-Hélène de Schiltigheim.

(*) Notice de Pierre Bachoffner dans le Nouveau dictionnaire de biographies alsaciennes (1988, fascicule XIII, p. 1161)