1 Odorico, ce n’est pas une seule personne. C’est une famille !

Lorsqu’on entend le nom Odorico sans connaître, on pourrait croire qu’il s’agit d’un seul homme. En réalité, l’histoire commence par deux frères : Isidore, né en 1843, et Vincent Odorico, né deux ans plus tard. Originaires de la ville de Sequals, dans la province italienne de Pordenone, ils grandissent dans un pays où l’art de la mosaïque est déjà florissant. Dans l’espoir de faire fortune, ils décident d’exporter ce savoir-faire en France. Débuts à Paris, sur le chantier de l’Opéra Garnier, puis à Tour, pour arriver finalement à Rennes où les deux frères s’associent pour créer leur entreprise familiale. En 1893 naît Isidore Odorico fils, qui prendra plus tard la relève de son père. À la tête de l’entreprise, il réalise plus d’une centaine de mosaïques à travers toute la Bretagne. L’atelier emploie alors de nombreux ouvriers italiens spécialisés, animés par un esprit d’équipe.

2 Mosaïque et hygiénisme

Au-delà de son aspect décoratif, la mosaïque possède aussi une grande valeur hygiénique. Au début du XXe siècle, face à la hausse alarmante de la mortalité infantile due aux maladies gastro-intestinales et aux conditions insalubres de certains quartiers, l’ancien maire de Rennes prend des mesures. Du pain béni pour la famille Odorico. Les matériaux utilisés dans leurs mosaïques, notamment le carrelage, sont facilement lavables et donc plus hygiéniques.

Isidore fils et ses équipes travaillent alors sur plusieurs projets emblématiques : la crèche Papu à Rennes, ornée de motifs animaliers, ou encore l’ancienne clinique du Laber à Saint-Pol-de-Léon, entièrement habillée de leurs mosaïques. L’un des exemples les plus célèbres qui allie mosaïque et hygiène reste la piscine Saint-Georges, inaugurée en 1929. L’ensemble du bâtiment est revêtu de mosaïques aux teintes bleues éclatantes, évoquant l’eau et la fraîcheur.

3 Une technique plus facile et plus rapide

Imaginer déposer une à une chaque petite pièce de céramique pour créer une œuvre monumentale semble impensable. La famille Odorico adopte donc une méthode plus rapide et ingénieuse : la pose par inversion. Inspirés par Giandomenico Facchina, célèbre pour ses techniques de restauration de mosaïques antiques, les Odorico préparent leurs œuvres à l’avance en atelier.

Voici l’une des mosaïques de la famille Odorico, visible à Saint-Briac.Voici l’une des mosaïques de la famille Odorico, visible à Saint-Briac. (Photo Le Mensuel de Rennes/David Brunet)

Les tesselles sont collées à l’envers sur un support souple, formant le motif inversé. Une fois sur le chantier, la surface est enduite de mortier frais, et la mosaïque est appliquée en une seule fois. Ce procédé permet non seulement de gagner un temps considérable, mais aussi de réduire les coûts de production.

4 Isidore fils, passionné de football

Isidore Odorico fils ne se contente pas d’être un maître mosaïste. Grand passionné de football, il commence à jouer au Stade Rennais Football Club (SRFC) en 1912, avant d’en devenir président en 1931.

Il reste actif jusqu’au 12 juillet 1938, contribuant activement à la naissance du tout premier championnat professionnel français en 1932. En hommage à son héritage, le maillot domicile du Stade rennais lors de la saison 2020-2021 reprend des motifs inspirés de ses mosaïques.

5 La maison Odorico transformée… en crêperie bretonne

Située au 7 rue Joseph Sauveur à Rennes, la maison Odorico a été construite en 1940 pour Isidore Odorico fils, sur l’emplacement des anciens bâtiments de l’entreprise. En 1939, il en confie les plans à l’architecte Yves Lemoine, qui conçoit un édifice avant-gardiste. À l’intérieur, les mosaïques ornent le sol, les murs, et même la cage d’escalier. Au sous-sol subsistent encore des échantillons des motifs conçus pour décorer la Poste du Palais du Commerce.

« Bretone » est la crêperie et la maison de thé des Odorico.« Bretone » est la crêperie et la maison de thé des Odorico. (Photo Le Mensuel de Rennes/David Brunet)

En 2020, des travaux de rénovation sont entrepris afin d’ouvrir ce lieu au public. Aujourd’hui, la maison Odorico accueille une crêperie bretonne et salon de thé baptisé « Bretone » un clin d’œil à la Bretagne et à ses racines italiennes, signifiant Bretagne en italien.