LE POINT SUR LA SITUATION – Les États-Unis, alliés d’Israël et qui affichent leur soutien au nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Charaa, avaient annoncé ce mercredi un accord pour rétablir le calme en Syrie, scène de violents affrontements depuis dimanche.
La ville syrienne à majorité druze de Soueïda compte ses morts après le retrait des troupes gouvernementales, décidé par le président intérimaire Ahmad al-Charaa pour éviter selon lui une «guerre ouverte» avec Israël.
Mais la présidence syrienne a accusé ce jeudi les combattants druzes de Soueïda de violer le cessez-le-feu.
Elle a aussi mis en garde contre «l’interférence israélienne flagrante (qui) continue dans les affaires internes de la Syrie, qui ne conduit qu’à davantage de chaos et de destruction et complique plus encore la situation régionale».
Le Figaro fait le point de la situation.
La présidence syrienne accuse les combattants druzes de violer le cessez-le-feu
La présidence syrienne a accusé jeudi les combattants druzes de Soueïda de violer le cessez-le-feu qui a conduit au retrait des forces gouvernementales de la province, dans le sud du pays.
Dans une déclaration, la présidence a accusé les «forces hors-la-loi» – le terme utilisé par le gouvernement pour désigner les factions druzes de Soueïda – de violer l’accord en se livrant à des «violences horribles» contre les civils, y compris des «crimes qui contreviennent complètement aux obligations de médiation, menacent directement la paix civile et poussent vers le chaos et l’effondrement de la sécurité».
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L’agence syrienne fait état d’un raid israélien dans le sud de la Syrie
Israël a menacé mercredi d’intensifier ses frappes si les forces syriennes ne quittaient pas cette province du sud de la Syrie, où les combats ont fait près de 600 morts selon une ONG. Jeudi soir, l’agence officielle Sana a fait état d’un raid israélien près de Soueïda, le premier depuis le retrait syrien.
Les habitants de Soueïda ont découvert une ville sinistrée. Un correspondant de l’AFP a compté 15 cadavres gisant dans le centre. «C’est comme si Soueïda sortait d’une catastrophe naturelle ou d’une inondation», a raconté Hanadi Obeid, un médecin de 39 ans.
Devant l’hôpital principal, des familles cherchent leurs proches dans un climat de colère et de peur. Selon le bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), «près de 2000 familles ont été déplacées» en raison des violences à travers la province, qui ont éclaté dimanche entre tribus bédouines sunnites et des combattants druzes.
Un cessez-le-feu obtenu «par la force», selon Benyamin Netanyahou
Cette escalade ébranle davantage le pouvoir de Charaa, qui a renversé, à la tête d’une coalition de groupes rebelles islamistes le président Bachar el-Assad en décembre, dans un pays meurtri par près de 14 ans de guerre civile.
Des membres des forces gouvernementales ont affirmé qu’ils avaient reçu l’ordre de se retirer de la province de Soueïda peu avant minuit mercredi et qu’ils avaient achevé leur retrait à l’aube. Dans un discours télévisé dans la nuit, Ahmad al-Charaa a annoncé le transfert «à des groupes locaux» et des dignitaires religieux druzes de la responsabilité du maintien de la sécurité à Soueïda.
«Nous avons donné la priorité à l’intérêt des Syriens plutôt qu’au chaos et à la destruction», a-t-il déclaré, disant avoir voulu éviter «une guerre ouverte» avec Israël dont il a condamné l’intervention. Mercredi, Israël a bombardé plusieurs cibles au cœur de Damas dont le QG de l’armée, faisant trois morts selon les autorités. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a dit jeudi que le cessez-le-feu avait été obtenu «par la force».
Washington «n’a pas soutenu les récentes frappes israéliennes», selon le département d’État américain
Ahmad al-Charaa a souligné que «l’intervention efficace de la médiation américaine, arabe et turque, a sauvé la région d’un sort inconnu». Les États-Unis, alliés d’Israël et qui affichent leur soutien au nouveau dirigeant syrien malgré son passé jihadiste, avaient annoncé mercredi un accord pour rétablir le calme en Syrie.
Le département d’État, Tammy Bruce, avait dans le même temps appelé le pouvoir syrien à se retirer de la zone de conflit afin d’apaiser les tensions avec Israël. Washington «n’a pas soutenu les récentes frappes israéliennes», a déclaré ce dernier jeudi. La Maison Blanche a elle mit en avant le rôle des États-Unis dans la désescalade, qui «semble continuer».
Les ministres des Affaires étrangères des Émirats, de Jordanie, de Bahreïn, de Turquie, d’Arabie saoudite, d’Irak, d’Oman, du Qatar, de Koweït, du Liban et d’Égypte ont affirmé dans un communiqué conjoint leur «condamnation la plus ferme et leur rejet catégorique des attaques israéliennes répétées sur la Syrie qui sont une violation manifeste de la loi internationale et une attaque flagrante contre la souveraineté syrienne».
Le bilan s’alourdit à 594 morts, dont 300 druzes de Soueïda
Selon l’OSDH, les violences ont fait 594 morts: 300 druzes de Soueïda, dont 154 civils y compris 83 «exécutés sommairement par des membres (des forces relevant) des ministères de la Défense et de l’Intérieur». Les combats ont également coûté la vie à 257 membres du gouvernement et 18 combattants bédouins sunnites, outre trois membres de tribus «exécutés sommairement par des combattants druzes», selon cette source.
Selon Ahmad al-Charaa, les auteurs d’exactions contre «notre peuple druze, qui est sous la protection et la responsabilité de l’État», «rendront des comptes». Il avait fait la même promesse après le massacre de centaines de membres de la communauté alaouite, dont est issu le président syrien, début mars sur le littoral syrien. Mais une commission d’enquête sur ces massacres n’a jamais rendu ses conclusions.
Présente principalement à Soueïda, la communauté druze de Syrie comptait avant la guerre civile quelque 700.000 personnes. Cette minorité ésotérique issue d’une branche de l’islam est aussi implantée au Liban et en Israël.