Alors que le marché du jouet est en légère baisse continue depuis quelques années, celui du jouet « pour adultes » est lui en hausse. Il représente même un gros tiers du marché en 2024. Parmi les secteurs qui stimulent le marché, celui de la figurine est en très bonne place. La figurine pour adulte donc. Attention, rien de sexuel là-dedans. Les figurines pour adultes sont des jouets représentants des personnages de la pop culture. Ne cherchez pas la contrepèterie.
Parmi les marques phare de cette tendance, Funko Pop se distingue. Avec le design de ses figurines à grosse tête et visage façon manga, Funko Pop multiplie les références : One Piece, Superman, Dragons… Toutes les franchises pop y passent. Cette tendance a encouragé des marques plus traditionnelles de se pencher sur la pop culture. Ainsi, Schleich, connue pour ses reproductions miniatures d’animaux, a lancé une collection de dinosaures fantastiques, dans le sillage de la sortie de Jurassic World.
Elles se multiplient comme des Mogwai
Face au boom du marché de la figurine, les enseignes s’adaptent. Dans ses tout récents espaces King’Dultes (un concept store vient d’ouvrir à Marseille en attendant un nouveau en région parisienne à la rentrée), dédiés aux adultes acheteurs de jouets, King Jouet réserve ainsi une place de choix aux figurines. « Le marché des figurines est en croissance depuis plusieurs années et la tendance se maintient et même s’accentue. Il y a une grande diversification des univers, par exemple dans les mangas et les comics », explique Noam Bouyakoub, directeur du pôle Produits de King Jouet, pour justifier la multiplication des mètres linéaires dédiés aux figurines dans ses magasins.
Mais ces figurines, également vendues en masse en ligne, ne font pas que prendre de la place, elles réclament aussi de l’attention. « Que ce soit par leur variété ou les prix qu’elles peuvent atteindre par leur rareté, les figurines demandent une expertise particulière, précise Noam Bouyakoub. Ce n’est pas du tout un marché de niche. »
Un dragon, mais en mignon
Si Funko Pop s’est très tôt orienté vers le public Jeune adulte, en misant à la fois sur des films ou séries récentes (Stranger Things, Game of Thrones, Mercredi…) mais aussi sur des licences patrimoniales de la pop culture (Star Wars, Donjons & Dragons, X-Files…), d’autres marques ont été rattrapées par la tendance « Kidultes », épouvantable mot-valise visant à caractériser les clients de plus de 13 ans dans le marché du jeu et du jouet.
Les Sylvanian Families fêtent leurs 40 ans avec une collection anniversaire - Epoch
« Nous savons que des adultes collectionnent les Sylvanians mais nous visons en priorité les enfants accompagnés de leurs parents. Cette transmission est au cœur de notre philosophie », explique Michihiro Maeda, président d’Epoch, société japonaise qui a créé les Sylvanian Families. Ces petites figurines d’animaux habillés à la mode anglaise du début du début du XXe siècle, font un carton depuis une vingtaine d’années en Europe et fête ses 40 ans. Un succès qui dure notamment grâce aux ex-petites filles et garçons, aujourd’hui adultes, mais qui continuent d’en acheter…
« Il y a une dimension nostalgique universelle chez les Sylvanians parce qu’on ne sait ni d’où ni de quand elles viennent. Personne ne sait où se situe le monde des Sylvanians. Et c’est très bien comme ça ! »
Seul Bruce Wayne peut se payer cette figurine Batman
Certaines mauvaises langues diront que les figurines qui réussissent à toucher le marché adulte sont celles qui sont chères. Ou alors, les figurines qui touchent les adultes peuvent se permettre d’afficher des prix élevés. L’œuf ou la poule (aux œufs d’or)… « Nous faisons des figurines luxueuses mais pas au niveau du prix, estime Michihiro Maeda. Dès le début, nous avons cherché à faire des figurines avec des vêtements très détaillés, dans des matériaux et des tissus très recherchés. La douceur des figurines et notre savoir-faire pour les habiller nous ont distingués de la concurrence. »
Dwight Stall a réalisé le design de la nouvelle figurine Hasbro de Mr Fantastic avec le visage de Pedro Pascal - Hasbro
Même les marques visant un public très large se posent la question du marché adulte. Par exemple, chez Hasbro, leader mondial de l’action figure. « Les gens font ce qu’ils veulent avec leurs figurines mais c’est vrai que quand on les conçoit, on essaye de définir si ce sont des enfants joueurs ou des adultes collectionneurs qui vont les acheter, explique Dwight Stall, designer des figurines Marvel chez Hasbro. Les enfants réclament des choses particulières : une flexibilité, la possibilité de jeter des projectiles avec la figurine… »
« Luke, je suis ton père mais je collectionne les figurines »
Surtout, même les marques de figurines très bien installées chez les adultes font attention à ne pas s’aliéner le public Enfants. Chez Games Workshop par exemple, les wargames qui nécessitent un gros investissement en figurines à assembler et peindre avant de jouer, comme Warhammer 40k, sont l’apanage de clients au pouvoir d’achat bien installés. Pourtant, la firme modifie régulièrement ses jeux et en lance de nouveaux, plus accessibles, pour renouveler les générations de joueurs. La logique est la même chez AMG avec son jeu Star Wars Legion qui a été entièrement repensé pour redynamiser (et rajeunir) la communauté de joueurs.
Même avec les adultes, le marché de la figurine reste un marché de masse. Si certaines pièces peuvent atteindre des prix délirants chez des collectionneurs, cette manne spéculative échappe aux entreprises qui créent les objets. Pour autant, cette tendance maniaque des collectionneurs amuse Dwight Stall.
« Bien sûr qu’on peut garder ses figurines sous plastique, chacun trouve son plaisir comme il veut avec les figurines. Moi, je trouve ça un peu dommage. Notamment parce que je me suis cassé la tête à les articuler pour qu’elles puissent avoir des poses super cool… »
« Je ne suis pas une figurine, je suis un kidulte liiibre ! »
Si ce n’est pas (vraiment) pour jouer avec, le ressort de cette ruée d’adultes vers les figurines est, pour les observateurs du secteur, tout simple. « C’est un produit culturel, tout simplement, estime Noam Bouyakoub. On en achète pour se faire plaisir, pour se raconter une histoire… » Il y a quelques mois, sur le réseau LinkedIn, un mème consistait à se figurer – le plus souvent à l’aide d’une IA générative d’image – sous forme de « starter pack », une figurine sous blister plastique, avec des accessoires.
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Une tendance qui montrer l’attachement de toute une génération aux figurines et qui a touché Dwight Stall : « Je trouve ça formidable que les gens s’imaginent comme des figurines. Ça montre que ce genre de jouet est entré dans notre imaginaire collectif. Finalement, que l’on se voit comme des figurines sous blister ou qu’on place, sur notre bureau, une figurine, on cherche toujours à se définir en relation avec la pop culture. Le monde des comics par exemple est si riche que chacun peut trouver le personnage qui le caractérise. »