Le tatouage a le vent en poupe ! Pas moins de 48 % des Italiens, 42 % des Espagnols et un Français sur cinq revendiquent ces dessins à même la peau, dont l’histoire remonte à la Préhistoire et se poursuit aujourd’hui avec toujours plus de succès – et d’inventivité. Mais d’où vient ce phénomène ? À Marseille, la Vieille Charité consacre au sujet une exposition historique, riche de 300 œuvres et objets, tous issus des cultures méditerranéennes.
Chronologique, le parcours débute par une parenthèse sur la culture du tatouage à Marseille, et s’ouvre sur une superbe photographie de Yohanne Lamoulère : torse nu, un jeune homme nous fixe, un poulpe sur l’épaule, affichant une inscription sur son torse, « Solo se vive una vez » (« On ne vit qu’une fois »). Montré ici comme une impulsion de vie et de mort, le tatouage s’est fait depuis 1978 une place singulière dans la cité phocéenne, avec l’ouverture du tout premier salon par un couple, Monick et Allan ; ici ressuscité comme un souvenir pionnier, celui-ci restera ouvert jusqu’en 2016, laissant derrière lui des dizaines de salons spécialisés.
Exposition « Tatouage. Histoire de la Méditerranée » au Centre de la Vieille Charité à Marseille
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© Musées de Marseille / © Claude Almodovar
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Au mur, quelques portraits de Marseillais tatoués témoignent de cette effervescence persistante : ils ont été commandés spécialement pour l’exposition aux dessinateurs Nine Antico, Annabelle Perrin ou Simon Roussin, chaque artiste prenant soin d’accompagner son œuvre de quelques lignes, qui expliquent l’origine intime de ces peaux couvertes de motifs.
Les origines du tatouage
Bol représentant une joueuse de luth, 1400–1300 av. J.-C
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Faïence • © Dutch National Museum of Antiquities
Puis, on entre dans le vif du sujet : l’histoire du tatouage en Méditerranée. On y apprend que ses premières traces ont été trouvées sur des restes humains remontant au Néolithique, et que des objets anthropomorphes de l’âge du Bronze découverts à Chypre, en Syrie ou dans la vallée du Rhône en montrent de subtiles traces, signes d’appartenance ou de pratiques dévotionnelles remontant au deuxième millénaire avant notre ère.
Si la pratique est ancienne, le mot n’apparaît dans la langue française qu’à la fin du XVIIIe siècle, période durant laquelle hommes, femmes et enfants ont coutume de se faire tatouer sur les sites de pèlerinage, comme en témoigne une riche collection de tampons de tatouages dévotionnels du sanctuaire de Lorette. En dépit des interdictions : la Bible elle-même proscrit les « incisions dans la chair » et les « figures et les marques sur [le] corps ».
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Des marins aux cagoles
Très répandu au Maghreb, le tatouage est y ornement autant qu’allié protecteur, et fascine bien des peintres orientalistes venus de France, dont Marie Tonoir et son portrait anonyme Tête de femme de Biskra (1899–1900).
Lalla Essaydi, Reclining Odalisque, 2008
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Impression chromogénique montées sur aluminium et protégées avec du stratifié de lustre Mactac • 151.13 × 365.76 × 3.18 cm • Coll. Edwynn Houk Gallery • © Lalla Essaydi
De l’autre côté de la mer, Constantin-Jean-Marie Prévost peint la proximité sensuelle de Matelots napolitains se tatouant (vers 1830, ill. en Une), et rappelle que le tatouage a longtemps été l’apanage des marins et des prisonniers. Ceux-ci vont jusqu’à graver des carafes en terre cuite des mêmes petits motifs qui ornent leurs peaux, traductions de leur ennui autant que de leur créativité en captivité.
Gaëlle Matata, Lisa Granado, Miss cagole 2024
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Photographie en couleur • Collection particulière • © Gaëlle Matata
Enfin, après un détour par les robes brodées de tatouages de Jean-Paul Gaultier et les corps queer peints avec onirisme par l’Iranien Alireza Shojaian (sublime !) [ill. plus haut], l’exposition boucle la boucle et se termine sur une série de photographies on ne peut plus marseillaises de « Miss Cagole 2024, Lisa Granado », par Gaëlle Matata. Un retour à la Cannebière tonitruant, où l’ultra-féminité outrancière et politique de la modèle s’affirme aussi bien via des chaussures à talon rose fluo avec la myriade de petits tatouages qui parcourent son corps bronzé…
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Tatouage. Histoire de la Méditerranée
Du 17 mai 2025 au 28 septembre 2025
Centre de la Vieille Charité – Marseille • 2 Rue de la Charité • 13002 Marseille
vieille-charite-marseille.com
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