Ouverte en septembre 2021 dans un appartement situé sur l’avenue du Dr. Mazen, la Maison régionale des Femmes Françoise Giroud est un lieu destiné à accueillir et à mettre à l’abri les femmes victimes de violences intrafamiliales, leur assurant une sécurité physique, morale, administrative et sociale. Elle est gérée par AFL Transition, association spécialisée dans ce domaine. Sa directrice Nathalie Rocailleux monte aujourd’hui au créneau pour dénoncer la baisse de la subvention municipale.
En 2021, la Ville avait versé une subvention de 30.000 euros pour lancer le projet. De 2022 à 2024, le montant est passé à 18.000 euros. « Cette année, nous n’aurons que 6.000 euros, indique Nathalie Rocailleux. Quand j’en ai eu connaissance de cette somme, au printemps dernier, j’ai demandé à être reçue par Mme Bicais, puis par M. Minniti. Mais je n’ai pas eu de réponse ».
L’efficacité est « démontrée »
La directrice fait part de son incompréhension: « En 2024, nous avons accompagné 743 victimes (contre 730 l’année précédente), réalisé 1.872 actes (contre 1.480 en 2023), effectué 108 mises à l’abri (contre 82 en 2023) et distribué 127 boutons d’alerte connectés. J’ajoute que 74% des saisines de la Caf dans le Var pour des femmes victimes de violences intrafamiliales émanent de la Maison Françoise Giroud ».
Faute d’explications, Nathalie Rocailleux s’interroge: « Puisque la structure a démontré son efficacité, on se demande si la baisse de la subvention ne serait pas une conséquence du conflit entre les élus municipaux ». On se souvient que le projet avait été porté par Jean-Pierre Colin qui, en tant que vice-président de la Région et 1er adjoint au maire délégué à la condition féminine jusqu’en 2022, s’était impliqué personnellement pour lancer le projet. « S’agit-il de querelles politiques qui ne nous regardent pas et qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général et celui des femmes en danger de mort? », questionne la directrice.
Des dépenses incompressibles
Toujours est-il que, selon Nathalie Rocailleux, la subvention municipale est « vitale » pour l’activité de la structure qui compte trois salariés (un chargé d’accueil, un éducateur spécialisé et un psychologue), « auxquels s’ajoutent le pôle ressources avec la direction générale, la comptabilité et les ressources humaines. Il faut aussi s’acquitter du loyer (1.000 euros par mois) et de la rémunération des intervenants extérieurs (commissaire aux comptes, expert comptable, avocat…). Ce qui nécessite un budget de 167.000 euros par an ». Un budget abondé par la Région (40.000 euros), la Caf (18.000 euros) et des partenaires privés.
« Si on doit se séparer d’intervenants faute de moyens, notre action complète ne pourra être menée correctement car il manquera un ou plusieurs maillons dans la procédure. Et en pareil cas, les victimes pourront se retrouver à nouveau en danger », estime Nathalie Rocailleux. Dans ces conditions, elle envisage de se tourner vers la Région qui est à l’intiative du projet et auprès de qui elle « va solliciter une convention de partenariat financier permettant de péréniser la structure sur au moins cinq ans. Mais rien ne garantit qu’une suite favorable sera donnée », confie la directrice qui fait part de son inquiétude sur l’avenir de la Maison Françoise Giroud.
Les réponses du maire Jo Minniti
Interrogé sur la baisse de la dotation municipale accordée à la Maison Françoise Giroud, le premier magistrat Jo Minniti précise d’emblée que ce n’est lui qui a pris cette décision puisque « la subvention a été votée au printemps alors que je n’étais pas maire ». Cela étant, il souligne que, « comme son nom l’indique, il s’agit d’un équipement « régional », financé en grande partie par la Région, et qui fonctionne de manière régionale puisqu’il n’accueille pas que des personnes de La Seyne, mais aussi des communes alentours. Or la Ville a fait le choix d’intervenir en priorité pour les Seynois. C’est la raison pour laquelle elle a fait l’acquisition, fin 2021, d’un logement d’urgence mis à la disposition des Seynoises qui en ont besoin. Dans cet esprit, un deuxième logement a été acquis dans le centre-ville ; on est en train de le rénover et il sera lui aussi mis à disposition dès que les travaux seront achevés ».
« C’est donc une réorientation du budget consacré à la Maison régionale Françoise Giroud qui a été opérée, poursuit Jo Minniti, sachant que la cause des femmes en grande détresse, la Ville la partage puisqu’elle investit dans ce sens. Et au bout du compte, les deux appartements et les travaux engagés coûtent plus cher à la commune que le montant de la subvention. A cet égard, ce sont au total 90 000 euros de subvention qui ont été accordés par la Ville à la Maison Françoise Giroud depuis le début ».
« Ce n’est pas une décision politique »
De plus, estime le maire, « rien ne montre qu’un manque de 12.000 euros à l’année obligera la structure à liquider son personnel. Il semble aussi que la Région, qui porte le projet, pourrait sans doute financer davantage que nous qui avons peu de marge de manœuvre budgétaire ».
Par ailleurs, montrant des courriers internes, Jo Minniti indique que « les services de la Ville m’ont fait savoir que les élus ont été informés de quelques dysfonctionnements concernant cette Maison. Un ‘manque de lisibilité de l’action’ a été pointé, ainsi qu’’un manque de collaboration avec le CLSPD’ (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) qui était pourtant prévu au départ. Je ne peux pas dire si cela a pesé dans le choix qui a été fait, mais c’est un fait ».
En revanche, le maire réfute l’idée d’une « décision politique »: « A ma connaissance, ce n’est pas le cas, d’autant que toutes les subventions aux associations ont été réduites pour des questions budgétaires ».
Jo Minniti indique enfin ne « pas avoir été informé de la demande d’entretien » formulée par Nathalie Rocailleux. « Mais je suis prêt à la recevoir comme je reçois tous ceux qui en font la demande », conclut-il.