Au début du mois, les États-Unis firent savoir qu’ils allaient suspendre leurs livraisons de « certaines armes » à l’Ukraine afin de préserver les stocks de leurs forces armées. « Cette décision a été prise pour mettre les intérêts de l’Amérique en premier, à la suite d’un passage en revue, par le département de la Défense, de l’aide militaire de notre nation à d’autres pays à travers le monde », justifia Anna Kelly, la porte-parole adjointe de la Maison Blanche.

D’après plusieurs médias américains, cette mesure concernait notamment les obus et, surtout, les missiles de défense aérienne Patriot, essentiels pour permettre à l’Ukraine de se protéger des attaques russes de drones et de missiles.

Cela étant, selon le ministère ukrainien de la Défense, Kiev n’aurait « reçu aucune notification officielle concernant la suspension ou la révision des calendriers de livraison de l’aide militaire convenue ». Et d’ajouter : « La voie vers la fin de la guerre passe par une pression constante et commune sur l’agresseur, ainsi que par un soutien indéfectible à l’Ukraine ».

Aussi, cette annonce était-elle vraiment fondée ou bien relevait-elle d’une manœuvre diplomatique, sachant que des discussions sur l’achat d’équipements militaires par certains membres de l’Otan au profit de l’Ukraine étaient alors en cours ?

« Le plus important actuellement est que l’Europe puisse acheter du matériel militaire ici, aux États-Unis, afin que nous puissions faire don de ces systèmes militaires directement à l’Ukraine. […] Nous parlons actuellement de dix systèmes Patriot », avait en effet déclaré Troels Lund Poulsen, le ministre danois de la Défense, alors en visite officielle à Washington, le 8 juillet.

« C’est important, car les discussions d’il y a deux mois indiquaient qu’il n’y avait plus rien à acheter ici, aux États-Unis. Les discussions actuelles vont donc dans le bon sens », avait-il ajouté.

A priori, la seconde hypothèse était la bonne… En effet, le 14 juillet, à l’issue d’une réunion avec Mark Rutte, le secrétaire général de l’Otan, le président Trump a approuvé un accord visant à ce que certains alliés achètent des équipements militaires américains pour les livrer ensuite aux forces ukrainiennes.

« Nous allons fournir des armes à l’Otan en grande quantité. Ce sont eux qui vont les livrer et ils vont en payer 100 % du coût », a annoncé M. Trump, en promettant de nouvelles sanctions à la Russie si celle-ci n’engage pas des pourparlers de paix avec l’Ukraine d’ici cinquante jours.

En réalité, ces équipements militaires – principalement des systèmes Patriot – seront achetés par une poignée de pays de l’Otan, à savoir le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède, la Finlande, la Norvège, le Royaume-Uni et le Canada. Sans surprise, étant donné leur coopération sur le système SAMP/T, la France et l’Italie ont décidé de ne pas s’associer à cette initiative.

Reste que cet accord a fait une « victime collatérale ». En juin 2021, dans le cadre de son programme Air 2030, la Suisse annonça qu’elle achèterait des chasseurs-bombardiers F-35A et des systèmes Patriot auprès des États-Unis. Seulement, ces deux projets accumulent les difficultés.

En effet, Washington a fait savoir à Berne que les trente-six F-35A commandés en 2022 allaient coûter bien plus cher que prévu, en raison d’un malentendu sur la notion de « prix fixe ». Malentendu qui a depuis tourné à l’affaire d’État…

Quant à la commande des cinq systèmes Patriot, avec leurs missiles intercepteurs GEM-T [Guidance Enhanced Missiles], signée en 2022, elle risque de ne pas se concrétiser de sitôt. Normalement, les livraisons auraient dû commencer en 2026 pour s’achever deux ans plus tard. Or, la priorité allant désormais à l’Ukraine, les États-Unis ont prévenu les autorités suisses que ce calendrier ne serait pas respecté. C’est en effet ce qu’a annoncé le Département de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS], via un communiqué publié le 17 juillet.

« Les livraisons à la Suisse prendront ainsi du retard. Pour l’instant, on ignore combien de systèmes seront concernés et si la livraison des missiles sera également impactée. Il est pour l’heure impossible de déterminer la durée des retards et d’estimer s’il y aura d’autres répercussions pour la Suisse. Les clarifications sont en cours », a expliqué le DDPS.

L’an passé, les États-Unis avaient également prévenu la Suisse que les missiles intercepteurs PAC-3 MSE [Missile Segment Enhancement], qui avaient fait l’objet d’un contrat séparé, allaient être livrés en retard, déjà en raison de la priorité donnée à l’Ukraine.

Comme le rappelle le quotiden Le Temps, « le crédit d’engagement pour l’acquisition du Patriot, incluant les éléments de conduite, les missiles PAC2 GEMT, la formation et les systèmes d’instruction, les trains de mesures logistiques, ainsi que le matériel de remplacement, s’élève à 1,987 milliard de francs [suisses] ». Une somme à laquelle s’ajoutent les 300 millions pour les missiles PAC-3 MSE.