Le cardinal André Vingt-Trois, ancien archevêque de Paris, est décédé ce vendredi à l’âge de 82 ans. Il s’était imposé comme l’une des personnalités les plus influentes de l’épiscopat avec habileté politique et distance pince-sans-rire, sans craindre de descendre dans l’arène sur les sujets de société.
« Pour beaucoup d’entre nous, prêtres, diacres, fidèles de Paris, il fut bien plus que notre archevêque, mais un pasteur, un père, un exemple », a souligné l’actuel archevêque de Paris Laurent Ulrich dans un communiqué annonçant son décès à Paris. Toute sa vie a ramené André Vingt-Trois à Paris, le plus important diocèse de France avec sa cathédrale Notre-Dame, ses 500 prêtres et sa centaine de paroisses. Il en a été l’archevêque entre 2005 et 2017, glissant ses pas dans ceux de son père spirituel, le cardinal Lustiger.
Promu archevêque de Paris en 1981
Né le 7 novembre 1942 à Paris dans une famille catholique mais pas pratiquante, André Vingt-Trois a été élevé et instruit – il a été élève au lycée Henri IV – sur la montagne Sainte-Geneviève, du nom de la patronne de la capitale. « Enfance banale » au cours de laquelle il sent naître la vocation « avec ses moments de doute, de clarté », expliquait cet homme posé offrant à des observateurs amusés un patronyme en apparence taillé pour le pontificat, alors que son origine pourrait venir d’un aïeul orphelin.
Ordonné prêtre en 1969, il est nommé vicaire d’un curé qui deviendra la figure dominante de l’Église de France : Jean-Marie Lustiger. Promu archevêque de Paris en 1981, ce dernier fait de ce jeune prêtre doué pour l’organisation un de ses vicaires généraux, à moins de 40 ans, avant de le consacrer évêque auxiliaire sept ans plus tard. Le discret Vingt-Trois aura passé 30 ans dans l’ombre du flamboyant Lustiger.
Archevêque de Tours en 1999, il est sans surprise appelé à succéder à son mentor en 2005. Il prend définitivement la lumière en 2007, quand il est créé cardinal par Benoît XVI après avoir accédé à un poste que son modèle n’avait jamais occupé, la présidence de la Conférence des évêques de France (CEF). Cet ecclésiastique au profil doctrinal classique – sans être traditionnel – y accomplit deux mandats, jusqu’en 2013.
Anti mariage gay, contre l’avortement et l’euthanasie
Homme d’action et de pensée théologique davantage que pasteur, il sait donner des coups de griffe, sous un air matois de raminagrobis et sur un ton souvent équanime, parfois rieur.
En 2008, il lance, interrogé sur la condition féminine dans l’Église : « Le tout, ce n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête ». La formule – qu’il regrettera – restera, donnant son nom à un Comité de la jupe, une association promouvant le rôle des femmes dans l’Église. Il pèse de toute sa charge de président de la CEF contre le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, « une supercherie ».
Le cardinal ne perd pas une occasion de transmettre des messages. Ainsi fin juillet 2016, devant les plus hautes autorités de la République réunies à Notre-Dame en hommage au père Jacques Hamel, égorgé la veille par des djihadistes, il glisse dans son homélie une phrase accusatrice sur le « silence des élites devant les déviances des mœurs » et la « légalisation de ces déviances ». Allusion à la loi Taubira que certains jugeront déplacée en pareille circonstance.
Mais s’il défend avec fermeté les positions de l’Église contre l’avortement et l’euthanasie, il sait aussi s’engager en faveur des plus démunis, des migrants, du dialogue interreligieux… Signe de son poids, il sera membre simultanément de trois des neuf congrégations vaticanes, dont celle pour les évêques, ce qui lui conférait une indéniable influence sur la promotion et la mutation de ses pairs.
Le pape François lui avait aussi témoigné sa confiance en le nommant président délégué des deux synodes sur la famille de 2014 et 2015. En 2017, à l’approche de sa démission pour raison d’âge limite – 75 ans –, il ne cachait pas sa lassitude devant la lourdeur de ses obligations et ses incessants voyages Paris-Rome. La maladie, un syndrome neurologique de Guillain-Barré qui l’a contraint à une longue hospitalisation, l’avait encore un peu plus affaibli.