Pilonnée par des milliers de drones et missiles depuis des semaines, l’Ukraine est à court d’armes et s’inquiète des avancées russes sur le front de la guerre. Dans un contexte aussi critique, elle ne peut que se réjouir de la volte-face de Donald Trump. Le président américain se dit prêt à livrer à Kiev, via les Européens, des batteries de défense aérienne Patriot. Le changement de cap de la Maison-Blanche, qui quelques jours plus tôt bloquait toute aide à l’Ukraine, intervient à un moment où le Congrès américain échafaude un projet de loi bipartisan pour sanctionner durement la Russie et tenter de l’isoler. L’Union européenne vient, elle, d’adopter un 18e train de sanctions contre Moscou.

La donne a-t-elle pour autant changé? La politique chaotique de Donald Trump par rapport à l’Ukraine incite à une extrême prudence. Dans l’optique obsessionnelle de décrocher le Prix Nobel de la paix, le président américain était prêt, il n’y a pas si longtemps, à faire adopter par Kiev et Moscou un plan de paix qui avait tout d’une capitulation et d’un abandon de l’Ukraine. Cette initiative reflétait bien l’état d’esprit du chef de la Maison-Blanche: apparaître à tout prix comme un faiseur de paix, quitte à ignorer les graves conséquences géopolitiques qu’un tel plan aurait eues sur l’Ukraine et a fortiori l’Europe.

Si, après avoir humilié Volodymyr Zelensky dans son Bureau ovale, Donald Trump revient à une attitude de soutien du président ukrainien, ce n’est pas parce qu’il a forcément modifié sa vision de l’Ukraine. Il réalise que le maître du Kremlin est beaucoup moins facile à manier qu’il ne l’imaginait. Longtemps admiratif de l’homme fort du pouvoir russe, Donald Trump a surpris en tenant des propos peu amènes envers Vladimir Poutine.

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En donnant cinquante jours de sursis au président russe avant de discuter d’une possible paix, il a toutefois offert à ce dernier une chance de renforcer les positions de ses forces armées sur le front ukrainien. Avant que de nouvelles batteries Patriot n’arrivent à Kiev, l’Ukraine reste extraordinairement vulnérable face à une offensive d’été que la Russie mène déjà depuis quelques semaines. Très sensible à la flagornerie, facilement influençable en raison de sa conception transactionnelle de la politique, le chef de la Maison-Blanche ne nous surprendrait pas s’il devait une nouvelle fois céder à des propositions peu constructives du Kremlin pour mettre fin à la guerre.

A Kiev, on oscille entre optimisme et scepticisme. On s’est habitué à la navigation à vue de l’administration Trump. Mais un facteur semble tout de même avoir changé: au sommet de l’OTAN à La Haye en juin, la Maison-Blanche n’a pas cassé la baraque comme on pouvait le craindre. Le président américain a réussi à convaincre les Européens de consacrer 5% de leur PIB aux dépenses militaires et sécuritaires. Une manière de renforcer l’Alliance atlantique, d’inciter Moscou à enfin discuter d’une paix raisonnable et de mettre les Européens face à leurs responsabilités pour sécuriser le continent.