L’annonce du gouvernement britannique d’abaisser l’âge du vote de 18 à 16 ans avant les prochaines élections nationales a suscité des réactions mitigées au Royaume-Uni.
L’administration travailliste affirme que cette mesure s’inscrit dans un ensemble de mesures visant à renforcer la démocratie britannique et à restaurer la confiance dans la politique. L’opposition y voit une tentative de prise de pouvoir de la gauche.
Les experts estiment que la situation est complexe, tandis que les preuves de l’impact de l’abaissement de l’âge du vote sur la démocratie et les résultats électoraux sont mitigées.
La dernière baisse de l’âge du vote au Royaume-Uni remonte à 1969, lorsque le pays est devenu l’une des premières grandes démocraties à l’abaisser de 21 à 18 ans. De nombreux autres pays, dont le Canada en 1970, ont suivi le mouvement en quelques années.
Le gouvernement annonce désormais qu’il abaissera le seuil à 16 ans d’ici les prochaines élections générales, probablement en 2029. Cela permettra à l’ensemble du pays de s’aligner sur l’Écosse et le Pays de Galles, qui disposent de gouvernements semi-autonomes et autorisent déjà les jeunes de 16 et 17 ans à voter aux élections locales et régionales.
Quelques autres pays ont actuellement fixé l’âge de vote à 16 ans, notamment l’Autriche, le Brésil et l’Équateur. Quelques pays de l’Union européenne, dont la Belgique, l’Allemagne et Malte, autorisent les jeunes de 16 ans à voter aux élections pour le Parlement européen.
Les arguments en faveur du vote à 16 ans
Les partisans de ce droit affirment qu’en Grande-Bretagne, les jeunes de 16 ans peuvent travailler et payer des impôts, et devraient donc être autorisés à voter.
«Si vous cotisez, vous devriez avoir la possibilité de décider de l’utilisation de votre argent», a fait valoir le premier ministre, Keir Starmer.
Les organisations prodémocratie ont salué cet abaissement de l’âge et l’évolution vers l’inscription automatique des électeurs, affirmant que cela contribuerait à augmenter le taux de participation. Le taux de participation aux élections de 2024 a atteint 59,7 %, son plus bas niveau depuis plus de deux décennies.
Ce changement d’âge s’inscrit dans un ensemble de réformes électorales comprenant un durcissement des règles de financement des campagnes électorales et un élargissement de la liste des documents d’identification dans les bureaux de vote.
Ses partisans affirment que cela renforcera la participation démocratique en incitant les adolescents à voter à un moment où la plupart sont encore scolarisés.
«Les jeunes scolarisés à temps plein et vivant souvent chez leurs parents peuvent être de meilleurs électeurs, plus engagés lors de leur première élection, que les jeunes de 18 à 20 ans, qui vivent souvent leur première élection dans une phase très transitoire de leur vie», a écrit Christine Huebner, chercheuse en sciences sociales à l’Université de Sheffield et spécialiste du vote des jeunes, dans le journal «The Guardian».
Une mesure «cynique»
Les opposants soutiennent que les jeunes de 16 et 17 ans ne devraient pas avoir le droit de vote, car, à bien des égards, ils ne sont pas considérés comme des adultes. «Pourquoi ce gouvernement pense-t-il qu’un jeune de 16 ans peut voter sans avoir le droit d’acheter un billet de loterie, de boire de l’alcool, de se marier, de faire la guerre, ni même de se présenter aux élections auxquelles il vote?» a demandé jeudi le député conservateur Paul Holmes à la Chambre des communes.
Mark Goodwin, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Coventry, a reconnu que cette décision pouvait paraître paradoxale, car «socialement, nous allons plutôt dans la direction opposée».
«De plus en plus, l’âge de la majorité, l’âge auquel on devient un adulte pleinement capable et responsable, se rapproche de 18 ans», a-t-il relevé.
Les opposants politiques du gouvernement situés à droite affirment que le Parti travailliste espère bénéficier de 1,5 million de nouveaux jeunes électeurs potentiels, généralement de gauche.
Nigel Farage, chef du parti d’extrême droite Reform UK, a affirmé que le Parti travailliste tentait de «truquer le système». L’ancien ministre des Affaires étrangères conservateur James Cleverly a argué que le gouvernement avait annoncé ce changement avec cynisme car il «s’effondre dans les sondages».
Les experts affirment que l’octroi du droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans ne devrait pas modifier radicalement les résultats des élections, car il s’agit d’un groupe relativement restreint aux opinions diverses. Et il est loin d’être certain que le Parti travailliste récoltera la plupart des bénéfices d’un vote plus important des jeunes.
La vie politique britannique, longtemps dominée par le Parti travailliste et les conservateurs, est de plus en plus fragmentée. Les sondages suggèrent que les jeunes électeurs penchent à gauche, mais ils sont répartis entre plusieurs partis, dont le Parti travailliste, les Verts et les libéraux-démocrates.
L’adoption de TikTok par Nigel Farage a renforcé sa notoriété auprès des jeunes, et le parti réformiste bénéficie d’un certain soutien parmi les jeunes hommes.
Le politologue Mark Goodwin a estimé que, dans de nombreuses régions du monde, «les jeunes abandonnent massivement le centre-gauche».
«Et dans de nombreux cas, ils soutiennent des partis de droite populiste, des partis rivaux, des partis méconnus, des indépendants, des partis plus alternatifs, a-t-il ajouté.
S’il s’agit d’une manœuvre cynique visant à obtenir davantage de votes travaillistes, il existe certainement un risque quant à l’endroit où ces votes seront finalement exprimés.»
Jill Lawless, The Associated Press